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Enrichir le vocabulaire de notre guide pour le rendre moins lourd auprès des femmes (voir à la fin de l'article)
Vendredi 10 septembre : fin du Ramadan
Deux jours et demi consacrés à une telle ville c'est beaucoup trop. Certes, il y a beaucoup de choses à voir mais tout est concentré sur un faible périmètre. Nous frôlons donc la saturation d'autant plus que le temps-libre est trop fréquent...
Pour commencer la journée, nous sortons de la ville en véhicule pour mieux y revenir ensuite. Nous passons devant un nouveau complexe administratif mégalo et un palais présidentiel. De toute façon, c'est le peuple qui paye alors pourquoi s'en priver ! Dans la proche périphérie de la ville, les émirs de Boukhara avaient édifié un palais d'été : Sitori-i-Mokhi Khosa. La fin de l'édification de ce complexe remonte seulement à 1914 par le fils du dernier émir. Il s'étend sur 6 hectares et comprend un palais, un harem et un zoo où vivaient en liberté ... des paons et des lapins. Que de risques encourus ! Nous entamons la visite par le palais d'été. Celui-ci affiche clairement une architecture influencée de St Pétersbourg et pour cause puisque le dernier émir y avait vécu une partie de sa vie.
L'intérieur du bâtiment blanc abrite une salle de réception, un petit salon-vestibule pour discuter avec les ambassadeurs russes, une salle des miroirs copiée sur le modèle de St Pétersbourg et contenant des présents d'ambassadeurs, une salle où étaient discutées les affaires du Royaume, une salle des secrétaires comprenant un miroir à 3 faces et une véranda avec des céramiques de Chine et de Corée.
Nous traversons ensuite les jardins de l'émir remplis de roses et d'arbres fruitiers jusqu'au harem. Celui-ci abrite une collection de suzanis et différents éléments de la vie quotidienne comme un berceau, un rouet ou une tenue de mariage traditionnelle. Au sommet du bâtiment, un balcon donne sur un petit bassin.
A proximité immédiate du harem et du bassin se trouve une sorte de kiosque abritant le trône de l'émir. Le minaret accolé permettait au roi d'y faire sa prière. Une fois terminée, il pouvait reprendre sa place sur le trône et regarder ses femmes et maîtresses se baigner dans l'eau du bassin. Je dois préciser qu'il a eu 18 femmes et, comme ce n'est pas suffisant pour un vieux pervers, des maîtresses de 18 à 26 ans. Tout cela il y a à peine plus d'un siècle, pas au Moyen-Age... ça permet de mieux comprendre certaines mentalités actuelles.
Pour choisir celle qui aurait le malheur de partager sa chambre le soir venu, la légende raconte qu'il lançait une pomme dans le bassin et que, celle qui la rattrapait, était l'élue du jour (je dirais la damnée plutôt). C'est à ce moment de l'explication que G. sort une belle pomme rouge de son sac pour l'exhiber au guide et se moquer de son comportement. En effet, lorsqu'il ne raconte pas des cracks, il a appris une phrase ("tu es fantastique") qu'il répète en boucle à G., ce qui est légèrement lourd au bout de la 72549ème fois de la journée. Nous le taquinons donc régulièrement sur le sujet. Et nous lui avons même rédigé un abécédaire pour enrichir son vocabulaire. Je le présente un peu plus loin...
Cette visite terminée, nous filons sur Boukhara pour poursuivre celles de la veille. Nous commençons par le mausolée Ismail Samani, construit au Xème siècle. Comme la mosquée du centre-ville, il fut longtemps enseveli et déterré par le même russe, Chichkine. Il avait le nez creux ce type ! A l'origine, Ismail Samani l'a bâti pour son père. Il comporte des symboles zoroastriens sur sa façade. Et son architecture particulière présente des vertus antisismiques : les briques sont en effet entrecroisées et faites de jaunes d'oeufs, de sang de taureaux et de lait de chamelles.
Autour de ce sanctuaire, le parc de l'Indépendance accueille les badauds venus se divertir dans des attractions plutôt anciennes ou se balader. Un lac artificiel a également été aménagé au nord-ouest. De l'autre côté de celui-ci reste un pan de muraille de la ville. Jadis elle était haute de 11m, comprenait 11 portes et s'étendait sur 12 km. Aujourd'hui, il ne reste que deux portes dont la porte Talipoch au fond sur la photo ci-dessous.
Derrière le rempart se tient le marché Kolkhoznaïa qui a été rénové mais où tout se vendait encore à même le sol il n'y a pas si longtemps. Il s'articule également par catégorie de produits et permet de s'en mettre plein les yeux au niveau des couleurs.
A proximité immédiate de ce site deux monuments se font face : le mausolée de Job et un mémorial pour l'imam Al-Boukhari. Le mausolée de Job, appelé Mazar Chachma Ayoub en ouzbek, correspond au lieu où Job a fait jaillir de terre une source en tapant trois fois de son bâton le sol. D'après les légendes locales, ce prophète de l'Ancien Testament, y serait également enterré. Mais sur ce point des doutes peuvent subsister puisque son tombeau est revendiqué par Damas, Bagdad et la Turquie. Ce bâtiment du XIVème siècle abrite aujourd'hui une exposition sur l'irrigation de la région depuis l'Amou Darya et un puits de 10m de profondeur dans lesquels les pèlerins viennent remplir une tasse et en boire une gorgée. La coupole qui coiffe le bâtiment est inspirée de l'architecture du Khorezm où nous serons demain soir.
Non loin de là deux madrasas, appelées les "fausses jumelles", se dressent l'une en face de l'autre : Modar-i-Khan et Abdullah Khan. Nous ne les visiterons pas mais nous y sommes passés hier après-midi sans guide. Un plaisantin nous a fait comprendre que nous n'y avions pas accès en tant que non-musulmans. Et comme on ne sait pas trop à quoi s'en tenir ...
Nous regagnons le centre-ville et approchons de la mosquée Bolo-Khaouz. Devant a été aménagé un petit bassin dit des Enfants du Roi. Un petit minaret se dresse à proximité immédiate et servait à annoncer l'arrivée de l'émir pour la prière. Quant à la mosquée, elle est relativement atypique puisque un auvent (appelé iwan dans le vocabulaire musulman) au plafond en bois peint soutenu par 40 colonnes elles-mêmes en bois dérobe le reste du bâtiment aux regards.
Aujourd'hui c'est kurban haïr, la levée du jeûne ou la fin du Ramadan. C'est l'occasion d'une fête durant toute la journée mais celle-ci n'est pas l'occasion d'un débordement de joie ou d'un quelconque autre sentiment : tout se passe avec réserve et discrétion au point que cela aurait presque pu passer inaperçu si nous n'étions avertis. Une partie de la journée est consacrée à la prière. Devant Bolo-Khaouz, les préparatifs vont bon train et les fidèles arrivent progressivement pour la grande cérémonie de l'après-midi. Le reste aura lieu dans les domiciles avec la fin de milliers de moutons pour marquer cette date.
Pour terminer la journée de visite, nous passons devant une tour métallique ...
... pour aboutir au pied de l'Ark, l'impressionnante citadelle de la ville dont les murs font une bonne vingtaine de mètres de hauteur ! Elle fut régulièrement détruite ou endommagée par exemple par Gengis Khan ou Mikhail Frunze, commandant de l'armée bolchévique. Mais elle se releva toujours et retrouva à chaque fois sa splendeur et sa grandeur. L'entrée est suffisamment large et ne comprend pas de marche pour que l'on puisse y pénétrer à cheval. Sous la porte se trouvait la prison. On grimpe ensuite une rampe sinueuse pour aboutir à une mosquée, aux salles du trône et des ambassadeurs. A l'entrée de la salle du trône se dresse un pan de mur pour protéger la personne du roi de toute agression et pour cacher ceux qui demandaient ou attendaient une audience. Il fallait en outre se retirer en marchant à reculons pour ne pas finir au Zindan pour manque de respect.
Comme à l'accoutumée, je prolonge la journée toujours avec G. pour lui faire découvrir le quartier des madrasas abandonnées que j'ai découvert hier soir en solitaire lors de ma seconde sortie. Puis nous nous séparons à nouveau et je repars en direction du Tchor Minor. Dans les ruelles du quartier tadjik, la fête de fin du Ramadan bat son plein si j'en crois les musiques qui sortent des habitations.
La dernière soirée est plutôt ennuyante car nous nous retrouvons mêlés à de très nombreux autres touristes pour un spectacle folklorique-dîner-défilé de mode. Le guide nous ayant laissés en plan pour aller parler avec des amis, nous quittons les lieux dès le spectacle fini pendant que les autres groupes restent converser sur place.
Pour ne pas finir la journée sur cette note en demi-teinte, je propose un petit abécédaire que nous avons concocté la semaine suivante au Kirghizistan pour enrichir la phrase de notre guide. Au lieu de "tu es fantastique", tu peux aussi dire "tu es ..." :
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A : admirable, abasourdissante ... (nous avons pris de l'avance)
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B : belle
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C : charmante, craquante ...
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D : drôle
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E : exceptionnelle
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F : formidable
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G : grandiose, géniale ...
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H : hors-norme
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I : inoubliable
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J : jolie
- L : lumineuse
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M : magnifique, magique, merveilleuse ... (c'est pour compenser les lettres manquantes)
- P : parfaite
- R : ravissante
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S : superbe, sensationnelle
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T : troublante
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U: unique
Avec autant de mots nouveaux à son vocabulaire, nous sommes sûrs qu'il pourra sans problème tenir un circuit de 12 jours sans se répéter trop souvent.
Tags : boukhara, sitori-i-mokhi, ark, ismail samani
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