-
Accueil
Carnet de voyage sur la partie ouzbèke de la "Route de la Soie"
-
Par Bruyeres33 le 17 Octobre 2010 à 22:05
La "Route de la Soie" a été initiée par une ambassade de l'Empereur de Xian, en Chine. Mais l'appellation elle-même est beaucoup plus récente et est due à un allemand du XIXème siècle. Cette route a en réalité été la principale voie d'échange de marchandises de toutes sortes (soie, tissus, chapeaux, or, bijoux, animaux ...) en Asie, un trait d'union entre le monde chinois et le pourtour méditerranéen (Romains, Byzantins, Perses, Arabes ...).
C'est sur une infime partie de cet itinéraire que s'est déroulée la première partie de mon voyage de septembre 2010. Avec deux autres personnes, nous avons parcouru les antiques cités caravanières d'Ouzbékistan (Samarkand, Boukhara et Khiva) et avons fait une excursion dans les contreforts montagneux au sud-est de ce pays. Je relate donc dans ce blog les 11 premiers jours de ce parcours dans le pays du camarade, tovarich, président, dictateur, démocratiquement élu à vie à l'unanimité + 1, le bien nommé Karimov.
votre commentaire -
Par Bruyeres33 le 17 Octobre 2010 à 22:04
Samedi 4 septembre 2010 : Ouzbékistan, les sommets de l'accueil
Aller en Ouzbékistan se mérite : ce samedi matin, l'avion de la Turkish Airlines atterrit avec un peu de retard sur le tarmac de l'aéroport. Pas trop grave puisque je suis en vacances et qu'un guide m'attend. Par contre, il est 4h du matin et ça c'est déjà plus difficile à encaisser. Pour le passage à la douane ouzbèke, le problème est différent : les douaniers dorment encore dans leur guichet et le souci ce sont les passagers de l'avion qui vient d'atterrir qui les dérangent un peu à cette heure-là. Les formalités s'étalent ainsi sur environ 1h, le temps que le diesel démarre. Un membre de mon groupe a involontairement trouvé la parade : un petit malaise dans l'avion et les formalités sont plus rapidement expédiées. Mais uniquement pour lui. Je reste donc debout dans la file en jouant des coudes pour ne pas me faire écraser par les autres passagers. Il fait plutôt chaud. Pour vous taquiner, vos bagages circulent déjà sous vos yeux à quelques mètres de là ... mais derrière la douane.
Le précieux tampon obtenu, vous jubilez pensant en avoir fini avec les formalités. Erreur ! Il vous reste le passage au scan des bagages et la déclaration des devises que vous faites entrer dans le pays. Et il vaut mieux en faire rentrer qu'en tirer sur place !
5h30 : vous sortez enfin de l'aéroport mais plus de triomphe sur votre visage, vous pensez plutôt à dormir. Le guide aussi d'ailleurs car lui aussi est debout depuis l'aube. Comme le monde appartient à ceux qui se lèvent tôt, le circuit commence par un court transfert de 289km entre Tashkent, la capitale, et Samarkand à 70km/h de moyenne (je vous laisse calculer le nombre d'heures car à ce stade je suis trop fatigué pour le faire moi-même). A part le chauffeur, personne dans notre groupe de 3 ne se souvient de l'intégralité du trajet mais notre attention a retenu le meilleur.
Nous traversons d'abord la banlieue de Tashkent. Cette capitale abrite 3 millions d'habitants. Puis rapidement les champs de coton, de maïs, de légumes succèdent aux immeubles. Quand je dis "rapidement", c'est que notre chauffeur c'est un peu le Schumacher local. Mais lui c'est pas Michaël, c'est Boris.
Le problème quand on s'appelle Boris, c'est qu'en face de vous, vous trouvez une armée de gens passionnés par leur boulot et qui encombrent les bords des routes : les policiers. En Europe, on n'a pas trop l'habitude de se battre pour faire partie de ce corps mais en Ouzbékistan, l'engouement est tout autre car la carotte est autrement plus alléchante !
Après même pas une heure de route, au détour d'un virage, notre véhicule est arrêté sur le bas-côté. Nous sommes pris alors que nous dépassions à peine la vitesse. A notre grande surprise, Boris salue le policier en lui serrant la main, ça ne peut que contribuer à faire baisser le bakchich. Le contrevenant a le choix entre graisser la patte de ces petits fonctionnaires ou payer une amende à l'Etat. Curieusement, la première solution est toujours privilégiée par les deux parties. Voilà pourquoi il n'y aura jamais de problème de vocation (ni de pv officiel en Ouzbékistan). Et le business tourne car plusieurs autres voitures sont arrêtées pendant que Boris est auprès du "caissier". Les ouzbeks soulignent d'ailleurs avec humour que les policiers sont toujours 3 lors des contrôles : un pour mesurer la vitesse, un pour arrêter la voiture et un dernier pour le bakchich. Refroidi par le manque de chance, notre véhicule ralenti.
Les prairies traversées de canaux d'irrigation succèdent aux champs, la région du Syr Daria (un grand fleuve) laisse la place à celle de Jizzax. Puis des montagnes de pierres surgissent quelques temps autour du véhicule. Nous approchons des Portes de Tamerlan qui ne sont rien d'autres qu'un goulet au milieu duquel passe la route. Mais Tamerlan, c'est le héros local donc ça mérite de sortir un peu de notre torpeur.
Une autre exclamation a le mérite de nous réveiller davantage : "Oh j'ai vu une vache avec un chapeau ouzbek !". Je cherche toujours une explication à cette phrase géniale mais n'ai pas encore trouvé . Soyez sympa, si un jour vous allez en Ouzbékistan et voyez une vache avec un chapeau, envoyez moi la photo car j'ai raté le clou du voyage.
T'en fais pas, bien sûr que j'y crois à ta vache. C'est comme pour les marmottes qui mettent le chocolat dans le papier alu ...
Sur ces entrefaites, nous débouchons au sommet d'une colline sur une ville de 500 000 habitants : Samarkand. Les Ouzbeks l'appellent modestement le Miroir du monde. Après quelques virages passés au frein à main, nous arrivons à notre hôtel et je cède enfin au sommeil pendant quelques heures.
En milieu d'après-midi, nous commençons la visite de la ville par le Gour Emir ou Mausolée de Tamerlan. Tamerlan c'est un grand conquérant du XIVème siècle qui sema la terreur entre la Chine et les rives de la Méditerranée. Samarkand fut le coeur de son royaume, sa capitale. Il fit d'abord ériger le monument pour un de ses petits-fils décédés, celui qu'il avait désigné comme son successeur. Mais il mourut peu après et fut lui aussi inhumé là alors qu'il s'était préparé un tombeau dans sa ville natale à Chakhrissabz.
Longtemps ce mausolée fut encadré de deux autres bâtiments aujourd'hui à l'état de vestiges : une madrasa (où se trouvent quelques tombes en bas à gauche de la photo) et la maison des derviches qui lui faisait face. Aujourd'hui, les archéologues y ont adjoint deux témoins de cette époque : le trône de Tamerlan et son chaudron. Avant de partir à la guerre, des grenades étaient pressées et leur jus recueilli dans ce récipient. Au retour, celui-ci était bu par les soldats pour renforcer leur sang (c'est presque le principe de la potion magique d'Astérix).
En 1942, les Russes ont cru utile de déplacer la dépouille du grand conquérant à Moscou. Celle-ci fut toutefois rapatriée en 1945 dans son pays d'origine. Les ouzbeks leur ont rendu la pareille après l'indépendance en remplaçant les statues des grands leaders communistes par celles de Tamerlan. La vengeance est toujours un plat qui se mange froid ...
La magnifique coupole bleue comporte 64 nervures, chiffre symbolique renvoyant aux 9 mois que Mahomet a passé dans le ventre de sa mère et aux 63 ans qu'il a vécu.
L'intérieur du mausolée est encore plus soft : or et pierres précieuses constellent les parois. Les représentations d'êtres vivants étant proscrites par la religion des motifs géométriques (les girikh) et des écritures tantôt calligraphiques, tantôt soufiques ornent les murs.
Au sol, une rangée de tombes abritent Tamerlan, ses fils, son petit-fils Ouloug Begh dont nous reparlerons et son maître spirituel. Celle de Tamerlan se distingue des autres par sa couleur noire : elle est en néphrite. Elle est par ailleurs fendue en son milieu. Quelques pèlerins viennent à intervalles réguliers se recueillir en ce lieu sacré. Mais il y a en fait anguille sous roche car les corps et les vraies stèles sont en réalité dans une crypte située en-dessous de cette salle (quand je disais "sous roche"). Vous pouvez y accéder mais moyennant bakchich. Quant à nous, nous n'avons pas tenté car nous sommes allergiques aux bakchichs, surtout Boris ...
L'intérieur du bâtiment est restauré notamment à l'aide de papier mâché. Mais le gros problème de l'Ouzbékistan, c'est l'abondance d'eau salée à 2 ou 3 mètres sous la surface. Celle-ci dégrade les décorations qui s'effritent déjà. En sortant par derrière, le guide nous permet d'apprécier d'autres dégâts infligés à ce site : un mur l'isole depuis 2007 du quartier environnant et des habitations traditionnelles du XVème siècle ont été détruites. Nous pouvons juste apercevoir la mosquée Ak-Saraï (= Blanche) qui n'a rien de spectaculaire :
En face du mausolée de Tamerlan, une esplanade s'étend jusqu'au mausolée Rukhobod ou "Résidence de l'Esprit" qui abriterait une relique du Prophète (une mèche de cheveux). A proximité est édifiée une madrasa où les étudiants venaient apprendre le Coran. Dans leurs cellules, ils ont aujourd'hui laissé la place à des marchands.
Les visites sont finies pour aujourd'hui. Nous regagnons l'hôtel à pied en longeant l'allée verdoyante du boulevard de l'université. Comme il fait chaud, le Pacha (pour préserver son anonymat et éviter toutes représailles) décide d'acheter une bière ouzbèke à l'hôtel. Il va se servir dans le frigo de l'hôtel qui est à la vue de tous et la règle sans problème. Si je buvais de l'alcool, j'aurais fait de même. Nous apprendrons plus tard dans le séjour que l'hôtel ne vend pas d'alcool et qu'en fait des allemands l'avaient placée là pour qu'elle soit plus fraîche. Si ça peut les consoler, il paraît qu'elle était fraîche ...
Comme j'ai dormi assez tard ce midi et que je n'en ai pas l'habitude, j'ai encore la patate. Donc plutôt que de rester enfermé dans l'hôtel, je décide de ressortir me promener seul. C'est très risqué après mon aventure du Népal (où je me suis perdu sans l'adresse de l'hôtel le premier soir) mais il fallait tenter l'expérience. Et incroyablement j'ai réussi à retrouver mon chemin comme quoi il y a toujours de l'espoir même pour les cas les plus désespérés... Je suis donc allé marcher vers le nord en direction de la poste centrale pour un petit repérage. Chemin faisant, je suis passé devant l'Union des Ecrivains et la Chambre du Commerce et de l'Industrie. J'ai également vu un quartier d'apparence beaucoup plus russe qui a totalement changé de figure en quelques mois. Et pour finir, j'ai rejoint l'église orthodoxe.
A peine rentré, nous avons rejoint un restaurant local pour une dernière petite surprise : une pâtisserie. Chouette, après l'effort le réconfort ! Sauf que la douceur en question est fourrée au fromage rance, un peu dans le genre mongol et ça c'est vraiment inoubliable surtout pour vos papilles. Un conseil donc : si vous allez au restaurant Platane à Samarkand, ne prenez surtout pas de gâteau ou alors prévoyez des pastilles à la menthe relativement forte. Moi, j'ai capitulé après une seule cuillerée.
votre commentaire -
Par Bruyeres33 le 17 Octobre 2010 à 22:03
Dimanche 5 septembre 2010 : Visite de Samarkand et changement de personnalité
Aujourd'hui, c'est LA journée culturelle de Samarkand avec au programme de très nombreux monuments. C'est moins mon style de voyage mais il faut bien faire travailler les neurones de temps en temps.
Nous commençons par la place centrale, le Registan qui signifie Place de Sable. C'est en effet en ce lieu qu'avaient lieu les exécutions publiques et le sable permettait d'absorber le sang. (Désolé je n'ai rien trouvé de plus poétique). 3 édifices principaux subsistent aujourd'hui sur 3 côtés de la place, de gauche à droite : les madrasas Oulough Begh, Tilla Kari et Chir Dor. Mais à l'origine d'autres bâtiments se dressaient sur ce site : un marché à coupoles, un caravansérail, une mosquée et une khanaka c'est-à-dire une sorte de monastère où étaient produits des livres et manuscrits.
Qu'est-ce qu'une madrasa ?
Une école coranique dans laquelle les étudiants apprenaient le Coran, la calligraphie arabe et parfois quelques sciences sur une durée de 7 ans. Elle se compose généralement de petites cellules dans lesquelles apprenaient ou logeaient des étudiants et un imam.
Revenons à présent aux 3 principaux édifices :
La madrasa Oulough Begh
Mais qui c'est celui là ? Oulough Begh est le petit-fils de Tamerlan qui lui a succédé au pouvoir. Il est connu localement sous le nom de Prince Astronome car il était très savant et a privilégié les sciences à la guerre. Aussi la madrasa qui porte son nom s'est distinguée : les étudiants y apprenaient le Coran mais également les maths, l'astronomie, la philosophie ou la littérature dans la plus grande université d'Asie Centrale de l'époque.
Après avoir franchi l'immense portail, on entre dans une cour carrée entourée de cellules. S'y trouvent également les statues de savants en compagnie ... d'Oulough Begh comme témoignage de la spécificité de cette madrasa. Pour cette entorse à la religion, Oulough Begh finira assassiné par son propre fils et une poignée de fanatiques.
Le fond de la cour est occupé par une mosquée aujourd'hui transformée en musée abritant instruments de musique, nécessaire pour l'écriture et, spécialement pour les fans, la chambre d'Oulough Begh.
En sortant de la madrasa, nous tombons sur une mendiante tenant à la main une casserole dans laquelle brûle quelques plantes aromatiques.
Enfin, on peut apprécier une constante ouzbèke : tout penche, non pas que l'architecte soit mauvais ou corrompu mais en raison des fréquentes secousses sismiques (voir la première photo de cette madrasa). C'est notamment le cas du minaret que les Russes ont tenté de redresser en vain lorsqu'ils occupaient le pays.
La madrasa Tilla Kari (=couverte d'or)
A la différence des deux autres, sa voute principale abrite deux portes et non une seule. Par contre, comme pour la précédente, les tours sont plutôt inclinées. Démonstration en se mettant à la place d'un fil à plomb (regardez dans l'axe du mur) :
Cette madrasa ne comporte qu'un seul étage : au rez-de-chaussée se trouvaient les salles de cours et à l'étage les logements. Certains étudiants pouvaient également aller dormir dans d'autres madrasas. Autre particularité : c'est la seule pour laquelle des cellules sont visibles depuis l'extérieur.
Sur la partie gauche du bâtiment se trouve une coupole bleue et en-dessous la mosquée Tilla Kari. Celle-ci abrite les traditionnels minbar pour l'appel à la prière et mihrab pour indiquer la direction de La Mecque (d'où la question à quoi servent les mihrabs à La Mecque ? mais ce n'est pas le sujet). La cour devant l'édifice religieux est suffisamment vaste pour accueillir un grand nombre de fidèles.
La visite de la mosquée permet de voir des photographies antérieures et postérieures à la restauration. Le changement est spectaculaire.
Sur la route de la troisième madrasa (à quelques mètres), nous passons devant un monument funéraire gris consacré aux Chaybanides, une ancienne dynastie.
La madrasa Chir Dor (= qui porte le lion)
Cette dernière madrasa présente une spécificité par rapport aux deux précédentes puisque des êtres vivants sont représentés sur son portail : en l'occurrence un tigre et un lion. Pour une telle infamie, la peine fut la mort. Pourtant, en y réfléchissant, une explication a été trouvée : les deux fauves portent le soleil, symbole de puissance chez les zoroastriens. Il s'agit de l'ancienne religion implantée très tôt en Asie Centrale fondée sur l'opposition entre le Bien et le Mal. Ben désolé pour l'architecte dans ce cas !
Et puis au prétexte de visiter une cellule, je tombe dans un piège et dois m'affubler d'un costume un peu particulier ... C'est bien parce qu'ils sont 15 armoires à glace et que je ne souhaite pas les blesser que je m'exécute. En une minute, je double de poids et de volume pour devenir derviche itinérant. En Ouzbékistan, les derviches, ces membres d'une communauté mystique, sont de deux types : "simple" lorsqu'ils prient pour tous les fidèles devant la mosquée ou "itinérant" lorsqu'ils se déplacent comme moi de ville en ville. Dans les deux cas, le but est le même : voir le visage de Allah. Personnellement, je crois que je vais plutôt chercher la vache à chapeau ouzbek, ça doit être un peu plus simple ...
Après que les flashs aient crépité pour me rendre inemployable après diffusion sur la Toile, j'ai réussi à convaincre un de mes deux compagnons de route de devenir imam. J'aurai sûrement été un bon missionnaire. Seconde tournée de photos. Désormais, il faudra que je sorte avec la cagoule. En dépit de sollicitations répétées, il n'y eut pas de 3ème membre dans notre confrérie. [Ce n'est pas grave puisque j'ai en ma possession une vidéo de ta victoire au Uno sur un sommet kirghize. "Je t'aurai un jour, je t'aurai ..."].
N'ayant pas de perspective professionnelle intéressante, l'imam et moi décidons de redevenir touristes. Ca devrait nous permettre de passer plus incognito dans la rue. Effectivement, en empruntant une large allée piétonne, personne ne fait particulièrement attention à nous. Ouf ! En cheminant ainsi, nous parvenons à la mosquée Bibi Khanum.
En revenant d'une campagne militaire en Inde, Tamerlan voulait faire construire la plus grande mosquée d'Asie Centrale. Il posa les premières pierres puis dut repartir à la guerre laissant le projet à des proches. Selon la légende, sa femme préférée, Bibi Khanum, voulut prendre le projet à son compte et le terminer avant le retour de son mari pour en faire la mosquée la plus haute. Mais l'architecte responsable du chantier ne s'exécuta qu'en échange d'un baiser de Bibi Khanum (le bakchich de l'époque ?). Celui-ci laissa une trace sur la joue de la femme. L'histoire finit mal puisque Tamerlan revient de campagne et remarque plus la marque que la mosquée. L'architecte parvient à s'échapper et Bibi Khanum est jetée dans le vide du haut d'un minaret.
Aujourd'hui la mosquée est une mosquée prisée par les femmes. Au centre de la cour arborée est posé un immense lutrin qui soutenait le second plus grand Coran de l'Islam, celui d'Osman écrit avec du sang. Le livre se trouve désormais à Tashkent, la capitale, comme nous le verrons ultérieurement. A droite et à gauche, s'élèvent deux mosquées latérales et en face une mosquée particulièrement immense mais dont l'intérieur est en cours de restauration.
A l'origine, les allées latérales comprenaient chacune deux couloirs surmontés de plusieurs centaines de coupoles. Une partie des minarets a également disparu.
En face de ce bâtiment se trouve le mausolée de Bibi Khanum où reposent son corps ainsi que celui de sa mère.
Après la religion, nous reprenons pied dans la vie quotidienne et allons visiter le marché Siyob qui jouxte la mosquée. Il est structuré comme tous les marchés par type de marchandises et une foule dense et chatoyante y circule.
Après la pause déjeuner, nous remettons le couvert pour une seconde salve de visites. La première halte est marquée à l'Observatoire Oulough Begh. Celui-ci se compose de deux bâtiments : un petit musée et l'observatoire. Le premier présente les travaux d'Oulough Begh, quelques instruments de l'époque et une reconstitution sous forme de maquettes de quelques monuments du pays.
Quant au second, il se trouve sous terre dans un bâtiment qui, par le passé, comportait 3 étages. Il abrite le principal sujet d'intérêt : un immense sextant de 11m de haut qui, à l'origine, formait un angle de 90° contre 60° pour les sextants normaux. Grâce à cet instrument, Oulough Begh a pu déterminer la position d'astres avec une précision extrême. Son fils et ses compagnons fanatiques lui ont hélas réservé un sort plus malheureux en le détruisant.
Nous poursuivons avec le Musée d'Afrosiab, l'ancien nom de Samarkand. Il abritait autrefois le palais royal. Il trace aujourd'hui l'histoire de la ville à travers de nombreux objets sortis de terre par les archéologues d'une mission franco-ouzbèke. Le principal témoignage est une fresque du 7ème siècle composée de trois tableaux : le roi Vakhuman recevant les ambassadeurs asiatiques, la chasse et la pêche, le départ à la guerre. Le seul bémol de cette visite est la fréquence des coupures de courant, notamment dans la salle qui abrite la fresque, qui est loin d'être due au hasard. Un guide ouzbek pourra peut-être vous dépanner si ça vous arrive.
A l'extérieur se trouve une colline où l'on peut apercevoir quelques fondations mais les archéologues susmentionnés ont désormais quitté cet endroit pour le site bouddhiste de Termez, à la frontière avec l'Afghanistan.
Enfin, nous terminons la journée par la nécropole de Shah-i-Zinda (= le Roi Vivant). Il s'agit d'un complexe à flanc de colline bordé de tombes et de mausolées. A l'origine, un missionnaire musulman et cousin de Mahomet termina dans la douleur sa vie à Samarkand et fut enterré là. D'autres sépultures sont ensuite venues se greffer autour pour bénéficier de son aura protectrice dans l'au-delà.
Au pied de la colline se trouvent deux mosquées, 1 d'été et 1 d'hiver, où quelques imams officient pour les fidèles qui le souhaitent. Puis un escalier permet de monter la pente : c'est l'escalier du paradis. A son sommet, une porte ouvre sur une étroite ruelle bordée de mausolées dont seule la façade est décorée de majoliques (céramiques cuites deux fois et émaillées) et qui sont toutes différentes.
Mais cette restauration trop clinquante est une pilule amère pour l'UNESCO car le site a été défiguré par les travaux.
Au sommet, le passage d'une troisième porte permet d'accéder au tombeau du cousin du prophète. Celui-ci se trouve derrière une épaisse grille. C'est un lieu de pèlerinage vers lequel se pressent des croyants de tout le monde musulman.
Au-dessus de ce site s'étend un immense cimetière.
Sur ce, nous rentrons à l'hôtel. Les allemands ont dû partir car il n'y a plus de bière au frigo pour mon collègue. Le service n'est plus ce qu'il était ... L'heure étant peu avancée, nous ressortons et nous rendons à la Poste pour acheter quelques timbres. Celle-ci est rouverte pour nous grâce au concours intéressé d'un local souhaitant un bakchich.
votre commentaire -
Par Bruyeres33 le 17 Octobre 2010 à 22:02
Lundi 6 septembre 2010 : Une nuit de rêve à la campagne
Après avoir revisité l'histoire et les monuments de Samarkand hier grâce aux explications très personnelles de notre guide, nous avons le droit à 36h de récupération à la campagne. Direction Chakhrissabz, la "ville verte" et cité natale de Tamerlan. La ville compte 75 000 habitants en majorité ouzbeks et tadjiks. 2 routes sont possibles pour s'y rendre : soit emprunter une route étroite passant par un col à 1800m, soit opter pour la vallée. Nous prenons la vallée et traversons d'interminables plaines d'abord consacrées aux cultures (coton, maïs, ...) puis dédiées à l'élevage car l'absence d'eau rend la terre non fertile. Au bout de quelques dizaines de kilomètres, les Zeraf-Shan apparaissent : ce sont les premiers contreforts montagneux.
La matinée est dédiée à la visite de la ville à commencer par l'Ak-Saraï, le "Palais Blanc" de Tamerlan. Boris nous dépose à l'entrée d'une vaste esplanade. A distance respectable s'élève une statue de Tamerlan debout qui a remplacé au cours de l'histoire Lénine et une femme récoltant du coton. Au fond, les ruines d'un immense portail de 30m de haut se dressent encore vers le ciel.
A l'origine le palais s'étendait entre les deux. Mais il fut détruit par les rois ouzbeks au XVIème siècle. Le côté du portail qui nous fait face est sobre et dépouillé quand l'autre face est encore décorée de majoliques.
Selon la légende (ou devrais-je dire la coutume ?), l'architecte du site fut précipité dans le vide depuis le sommet du portail pour avoir prétendu pouvoir édifier un palais encore plus beau. Comme quoi la vie tient vraiment à peu de chose ...
A proximité, les pans d'un rempart rappellent qu'à l'origine celui-ci mesurait 8m de haut pour 4,5m de large. De plus, un minaret de 60m de haut permettait de surveiller la ville. Il était construit sur une couche de paille pour amortir l'effet des secousses sismiques.
Nous découvrons ensuite le marché Chorsu, ses senteurs et ses couleurs.
Le complexe Kok-Gumbaz Saïd abrite un minaret, un puits pour les ablutions, une madrasa et deux mausolées pour les descendants d'Oulough Begh et ceux (assez éloignés) de Mahomet. Une mosquée nous permet de faire le point sur les différents types existants : la mosquée du vendredi est consacrée à la principale prière hebdomadaire, la mosquée Jammi permet de faire les 5 prières quotidiennes et la mosquée "simple" est fréquentée pour le Ramadan et les fêtes.
Sur le tombeau du saint, descendant du Prophète, il y a une petite cavité dans laquelle les pèlerins peuvent verser de l'eau avant de la boire en guise de porte-bonheur. Une rénovation est en cours mais avec une marge d'adaptation puisque le motif est réinventé.
Nous traversons un parc pour atteindre Dor-us Siadad, le tombeau de Djahangir, le fils préféré de Tamerlan, celui qui devait lui succéder. Une chute de cheval en décida autrement. La coupole affiche un style unique pour la région, plus proche de celui du Khorezm (région de Khiva).
Jouxtant cet édifice, la mosquée Khazrati Imam du nom d'un saint dont le corps fut ramené de Bagdad par Tamerlan. Le principal intérêt réside dans un arbre qui daterait de 1370 dans la cour.
Enfin, à deux pas de là, la crypte de Tamerlan est le lieu où aurait dû finir le corps du conquérant dans la sobriété absolue tant la crypte est petite, sombre et humide. Mais celui-ci est resté au Gour Emir à Samarkand.
En début d'après-midi, nous prenons la route pour Ayaktchi où nous devons séjourner chez l'habitant. A notre arrivée, nous sommes accueillis chaleureusement par les maîtres des lieux. Mais une petite surprise nous attend car d'autres personnes sont sur place. En fait, l'agence locale a dépêché dans cette "guest-house" quelques éléments pour s'occuper de la cuisine et un autre Boris pour nous guider dans les montagnes ! Ca ne serait pas plutôt squat chez l'habitant ? Je propose une petite innovation pour la prochaine fois : pourquoi ne pas carrément virer l'habitant de chez lui comme ça on aurait un peu plus de place, non ?
Malgré la chaleur (37°), je me vois mal rester toute l'après-midi sans bouger. Après tout, je suis en vacances. Je pars donc marcher seul pendant 1h30 vers les sommets en suivant la ligne de crête.
Redescendu sur notre habitation du jour, j'ai juste le temps de me réhydrater avant de partir pour une marche en groupe avec le guide envoyé par l'agence. Boris, pas le chauffeur l'autre, nous reconduit sur les crêtes en passant par un autre chemin. Nous passons tout prêt de fermes et d'étables.
Très rapidement vient le temps de rentrer. Avec G., nous décidons de pousser un peu plus haut la balade. Comme il n'y a pas Derrick à la télé et que je n'ai pas vu de bingo chez l'habitant, ça ne sert à rien de rentrer avant 18h30. Et puis ça fait du bien de se défouler un peu après toutes ces étapes culturelles.
De retour chez l'habitant, nous prenons à tour de rôle une douche pour le moins artisanale et plutôt fraîche quand on passe vers la fin. Mais il faut bien s'entraîner pour le Kirghizistan. Le repas englouti, il n'y a pas grand chose d'autre à faire que de se coucher. Dans un premier temps, je me réfugie à l'intérieur. Attaqué par les moustiques en moins de 5 minutes chrono, je lève le camp pour l'extérieur ... où il y a toujours autant de moustiques. Au prix d'une nuit sans sommeil à crever de chaleur sous la couette, je réussirai à ne pas me faire piquer contrairement aux autres. Merci d'avoir partagé ! Et pour être sûr de ne vraiment pas fermer l'oeil, des ânes en mal d'affection ont brait à intervalle régulier.
votre commentaire -
Par Bruyeres33 le 17 Octobre 2010 à 22:01
Mardi 7 septembre : Retour des citadins à la ville
Ce matin, nous avons pu constater que nous avons tous passé la nuit de la même façon à part notre guide qui scie encore la forêt amazonienne. Nous tenons donc conseil pour préparer la contre-attaque. Assez rapidement, il apparaît que nous sommes impuissants contre les moustiques sauf s'il en passe un près de nous. Par contre, nous prenons la résolution de manger du saucisson d'âne (de préférence) tous les matins jusqu'à la sortie du pays et ça tombe bien puisqu'il y a du saucisson pour le petit déj'.
Pour être dans le timing de la journée, il faut également réveiller le guide. Le plus stratège d'entre nous opte pour chatouiller ses pieds avec une plume de poulet. Le test sera partiellement concluant.
Nous nous apprêtons alors à quitter nos hôtes avec qui nous avons eu quelques échanges amicaux. Merci à Khalmourad et à sa femme :
Vient le moment pour moi de commencer à présenter une caractéristique des Ouzbeks : la faible considération pour les femmes. Premier exemple : je souhaitais connaître le nom de mes deux hôtes mais mon guide a été incapable de me donner le nom de la femme alors que ce n'est pas la première fois qu'il vient ici !
Nous partons ensuite avec les deux Boris en direction du Mont des Aigles où nous devons effectuer une marche de 3h. Le véhicule nous dépose en bas de la montagne qui culmine à 1064m. Rapidement, je prends un peu d'avance avec ma collègue de marche d'hier. Sur un premier petit sommet, le sentier se fait plus pierreux. Nous marquons une pause pour attendre JC et les guides et en profitons pour contempler les environs. Un léger voile nuageux gomme sensiblement le paysage.
Nous repartons tous ensemble vers le sommet, un dernier petit replat avant la partie finale de l'ascension donne sur un immense cratère. Quelques minutes plus tard, nous sommes au faîte du Mont des Aigles. Quelques nids à nos pieds témoignent de la présence de rapaces. Effectivement, depuis un moment déjà, nous les voyons tournoyer dans un ballet aérien dont eux-seuls connaissent la chorégraphie. Et le nombre d'animaux ne cesse d'augmenter progressivement.
Manifestement nous les dérangeons quand même un peu. Nous redescendons alors vers notre minibus puis filons vers Samarkand non sans marquer une pause dans un restaurant familial sur la route.
Etant donné que nous avons déjà fait le tour de tous les monuments, nous avons quartier libre cette après-midi. Je repars donc me promener avec G. Au programme, un nouveau tour des curiosités touristiques : Gour Emir, Registan, Mosquée Bibi Khanum, marché Siyob, Shah-i-Zinda. Nous coupons ensuite à travers un quartier populaire pour retourner à l'hôtel.
Le repas de ce soir est pris dans une maison ouzbèke richement décorée : moulures au plafond, niches dans les murs pour abriter des objets religieux ... Les heures de sommeil perdues dans la bataille aérienne de la nuit précédente commençant à peser, nous regagnons nos pénates où, ce soir, le silence est d'or.
votre commentaire
Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique