• Une conversion un peu forcée ...

    Dimanche 5 septembre 2010 : Visite de Samarkand et changement de personnalité

    Aujourd'hui, c'est LA journée culturelle de Samarkand avec au programme de très nombreux monuments. C'est moins mon style de voyage mais il faut bien faire travailler les neurones de temps en temps.

    Nous commençons par la place centrale, le Registan qui signifie Place de Sable. C'est en effet en ce lieu qu'avaient lieu les exécutions publiques et le sable permettait d'absorber le sang. (Désolé je n'ai rien trouvé de plus poétique). 3 édifices principaux subsistent aujourd'hui sur 3 côtés de la place, de gauche à droite : les madrasas Oulough Begh, Tilla Kari et Chir Dor. Mais à l'origine d'autres bâtiments se dressaient sur ce site : un marché à coupoles, un caravansérail, une mosquée et une khanaka c'est-à-dire une sorte de monastère où étaient produits des livres et manuscrits.

    Registan

     

     

     

     

     

     

     

    Qu'est-ce qu'une madrasa ?

    Une école coranique dans laquelle les étudiants apprenaient le Coran, la calligraphie arabe et parfois quelques sciences sur une durée de 7 ans. Elle se compose généralement de petites cellules dans lesquelles apprenaient ou logeaient des étudiants et un imam.

     

    Revenons à présent aux 3 principaux édifices :

    La madrasa Oulough Begh

    Mais qui c'est celui là ? Oulough Begh est le petit-fils de Tamerlan qui lui a succédé au pouvoir. Il est connu localement sous le nom de Prince Astronome car il était très savant et a privilégié les sciences à la guerre. Aussi la madrasa qui porte son nom s'est distinguée : les étudiants y apprenaient le Coran mais également les maths, l'astronomie, la philosophie ou la littérature dans la plus grande université d'Asie Centrale de l'époque.

    Registan - Madrasa Oulough Begh

    Après avoir franchi l'immense portail, on entre dans une cour carrée entourée de cellules. S'y trouvent également les statues de savants en compagnie ... d'Oulough Begh comme témoignage de la spécificité de cette madrasa. Pour cette entorse à la religion, Oulough Begh finira assassiné par son propre fils et une poignée de fanatiques.

    Registan - Madrasa Oulough Begh - Cour intérieure Registan - Madrasa Oulough Begh - Statues des savants et d'Oulough Begh (assis)

    Le fond de la cour est occupé par une mosquée aujourd'hui transformée en musée abritant instruments de musique, nécessaire pour l'écriture et, spécialement pour les fans, la chambre d'Oulough Begh.

    En sortant de la madrasa, nous tombons sur une mendiante tenant à la main une casserole dans laquelle brûle quelques plantes aromatiques.

    Registan - Madrasa Oulough Begh - Mendiante

    Enfin, on peut apprécier une constante ouzbèke : tout penche, non pas que l'architecte soit mauvais ou corrompu mais en raison des fréquentes secousses sismiques (voir la première photo de cette madrasa). C'est notamment le cas du minaret que les Russes ont tenté de redresser en vain lorsqu'ils occupaient le pays.

     

    La madrasa Tilla Kari (=couverte d'or)

    A la différence des deux autres, sa voute principale abrite deux portes et non une seule. Par contre, comme pour la précédente, les tours sont plutôt inclinées. Démonstration en se mettant à la place d'un fil à plomb (regardez dans l'axe du mur) :

    Registan - Madrasa Tilla Kari - Tour penchée

    Cette madrasa ne comporte qu'un seul étage : au rez-de-chaussée se trouvaient les salles de cours et à l'étage les logements. Certains étudiants pouvaient également aller dormir dans d'autres madrasas. Autre particularité : c'est la seule pour laquelle des cellules sont visibles depuis l'extérieur.

    Registan - Madrasa Tilla Kari

    Sur la partie gauche du bâtiment se trouve une coupole bleue et en-dessous la mosquée Tilla Kari. Celle-ci abrite les traditionnels minbar pour l'appel à la prière et mihrab pour indiquer la direction de La Mecque (d'où la question à quoi servent les mihrabs à La Mecque ? mais ce n'est pas le sujet). La cour devant l'édifice religieux est suffisamment vaste pour accueillir un grand nombre de fidèles.

    Registan - Madrasa Tilla Kari - Mosquée Tilla Kari Registan - Madrasa Tilla Kari - Mosquée Tilla Kari - Mihrab et minbar

    La visite de la mosquée permet de voir des photographies antérieures et postérieures à la restauration. Le changement est spectaculaire.

     

    Sur la route de la troisième madrasa (à quelques mètres), nous passons devant un monument funéraire gris consacré aux Chaybanides, une ancienne dynastie.

    La madrasa Chir Dor (= qui porte le lion)

    Cette dernière madrasa présente une spécificité par rapport aux deux précédentes puisque des êtres vivants sont représentés sur son portail : en l'occurrence un tigre et un lion. Pour une telle infamie, la peine fut la mort. Pourtant, en y réfléchissant, une explication a été trouvée : les deux fauves portent le soleil, symbole de puissance chez les zoroastriens. Il s'agit de l'ancienne religion implantée très tôt en Asie Centrale fondée sur l'opposition entre le Bien et le Mal. Ben désolé pour l'architecte dans ce cas !

    Registan - Madrasa Chir Dor Registan - Madrasa Chir Dor - Cour intérieure

    Et puis au prétexte de visiter une cellule, je tombe dans un piège et dois m'affubler d'un costume un peu particulier ... C'est bien parce qu'ils sont 15 armoires à glace et que je ne souhaite pas les blesser que je m'exécute.  En une minute, je double de poids et de volume pour devenir derviche itinérant. En Ouzbékistan, les derviches, ces membres d'une communauté mystique, sont de deux types : "simple" lorsqu'ils prient pour tous les fidèles devant la mosquée ou "itinérant" lorsqu'ils se déplacent comme moi de ville en ville. Dans les deux cas, le but est le même : voir le visage de Allah. Personnellement, je crois que je vais plutôt chercher la vache à chapeau ouzbek, ça doit être un peu plus simple ...

    Registan - Madrasa Chir Dor - Conséquence du complot

    Après que les flashs aient crépité pour me rendre inemployable après diffusion sur la Toile, j'ai réussi à convaincre un de mes deux compagnons de route de devenir imam. J'aurai sûrement été un bon missionnaire. Seconde tournée de photos. Désormais, il faudra que je sorte avec la cagoule. En dépit de sollicitations répétées, il n'y eut pas de 3ème membre dans notre confrérie. [Ce n'est pas grave puisque j'ai en ma possession une vidéo de ta victoire au Uno sur un sommet kirghize. "Je t'aurai un jour, je t'aurai ..."].

     

    N'ayant pas de perspective professionnelle intéressante, l'imam et moi décidons de redevenir touristes. Ca devrait nous permettre de passer plus incognito dans la rue. Effectivement, en empruntant une large allée piétonne, personne ne fait particulièrement attention à nous. Ouf ! En cheminant ainsi, nous parvenons à la mosquée Bibi Khanum.

    En revenant d'une campagne militaire en Inde, Tamerlan voulait faire construire la plus grande mosquée d'Asie Centrale. Il posa les premières pierres puis dut repartir à la guerre laissant le projet à des proches. Selon la légende, sa femme préférée, Bibi Khanum, voulut prendre le projet à son compte et le terminer avant le retour de son mari pour en faire la mosquée la plus haute. Mais l'architecte responsable du chantier ne s'exécuta qu'en échange d'un baiser de Bibi Khanum (le bakchich de l'époque ?). Celui-ci laissa une trace sur la joue de la femme. L'histoire finit mal puisque Tamerlan revient de campagne et remarque plus la marque que la mosquée. L'architecte parvient à s'échapper et Bibi Khanum est jetée dans le vide du haut d'un minaret.

    Aujourd'hui la mosquée est une mosquée prisée par les femmes. Au centre de la cour arborée est posé un immense lutrin qui soutenait le second plus grand Coran de l'Islam, celui d'Osman écrit avec du sang. Le livre se trouve désormais à Tashkent, la capitale, comme nous le verrons ultérieurement. A droite et à gauche, s'élèvent deux mosquées latérales et en face une mosquée particulièrement immense mais dont l'intérieur est en cours de restauration.

    Mosquée Bibi Khanum - Lutrin Mosquée Bibi Khanum - Mosquée latérale Mosquée Bibi Khanum - Mosquée principale

    A l'origine, les allées latérales comprenaient chacune deux couloirs surmontés de plusieurs centaines de coupoles. Une partie des minarets a également disparu.

    En face de ce bâtiment se trouve le mausolée de Bibi Khanum où reposent son corps ainsi que celui de sa mère.

    Mausolée Bibi Khanum

    Après la religion, nous reprenons pied dans la vie quotidienne et allons visiter le marché Siyob qui jouxte la mosquée. Il est structuré comme tous les marchés par type de marchandises et une foule dense et chatoyante y circule.

    Marché Siyob Marché Siyob

     Après la pause déjeuner, nous remettons le couvert pour une seconde salve de visites. La première halte est marquée à l'Observatoire Oulough Begh. Celui-ci se compose de deux bâtiments : un petit musée et l'observatoire. Le premier présente les travaux d'Oulough Begh, quelques instruments de l'époque et une reconstitution sous forme de maquettes de quelques monuments du pays.

    Observatoire Oulough Begh - Musée

    Quant au second, il se trouve sous terre dans un bâtiment qui, par le passé, comportait 3 étages. Il abrite le principal sujet d'intérêt : un immense sextant de 11m de haut qui, à l'origine, formait un angle de 90° contre 60° pour les sextants normaux. Grâce à cet instrument, Oulough Begh a pu déterminer la position d'astres avec une précision extrême. Son fils et ses compagnons fanatiques lui ont hélas réservé un sort plus malheureux en le détruisant.

    Observatoire Oulough Begh - Extérieur de l'Observatoire Observatoire Oulough Begh - Sextant

    Nous poursuivons avec le Musée d'Afrosiab, l'ancien nom de Samarkand. Il abritait autrefois le palais royal. Il trace aujourd'hui l'histoire de la ville à travers de nombreux objets sortis de terre par les archéologues d'une mission franco-ouzbèke. Le principal témoignage est une fresque du 7ème siècle composée de trois tableaux : le roi Vakhuman recevant les ambassadeurs asiatiques, la chasse et la pêche, le départ à la guerre. Le seul bémol de cette visite est la fréquence des coupures de courant, notamment dans la salle qui abrite la fresque, qui est loin d'être due au hasard. Un guide ouzbek pourra peut-être vous dépanner si ça vous arrive.

    A l'extérieur se trouve une colline où l'on peut apercevoir quelques fondations mais les archéologues susmentionnés ont désormais quitté cet endroit pour le site bouddhiste de Termez, à la frontière avec l'Afghanistan.

    Enfin, nous terminons la journée par la nécropole de Shah-i-Zinda (= le Roi Vivant). Il s'agit d'un complexe à flanc de colline bordé de tombes et de mausolées. A l'origine, un missionnaire musulman et cousin de Mahomet termina dans la douleur sa vie à Samarkand et fut enterré là. D'autres sépultures sont ensuite venues se greffer autour pour bénéficier de son aura protectrice dans l'au-delà.

    Au pied de la colline se trouvent deux mosquées, 1 d'été et 1 d'hiver, où quelques imams officient pour les fidèles qui le souhaitent. Puis un escalier permet de monter la pente : c'est l'escalier du paradis. A son sommet, une porte ouvre sur une étroite ruelle bordée de mausolées dont seule la façade est décorée de majoliques (céramiques cuites deux fois et émaillées) et qui sont toutes différentes.

    Shah-i-Zinda

    Mais cette restauration trop clinquante est une pilule amère pour l'UNESCO car le site a été défiguré par les travaux.

    Au sommet, le passage d'une troisième porte permet d'accéder au tombeau du cousin du prophète. Celui-ci se trouve derrière une épaisse grille. C'est un lieu de pèlerinage vers lequel se pressent des croyants de tout le monde musulman.

    Shah-i-Zinda - Porte du Paradis

    Au-dessus de ce site s'étend un immense cimetière.

     

    Sur ce, nous rentrons à l'hôtel. Les allemands ont dû partir car il n'y a plus de bière au frigo pour mon collègue. Le service n'est plus ce qu'il était ... L'heure étant peu avancée, nous ressortons et nous rendons à la Poste pour acheter quelques timbres. Celle-ci est rouverte pour nous grâce au concours intéressé d'un local souhaitant un bakchich.


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