-
Le triste destin des femmes
Mercredi 8 septembre 2010 : Sur les pistes caravanières jusqu'à Boukhara
Ce matin, nous repartons sur la Route de la Soie. Chargé de bagages et de touristes, notre véhicule démarre en direction de Boukhara. 268km nous séparent de cette autre cité que nous allons rallier en une matinée quand les caravanes mettaient des jours et des jours. Dans un premier temps, nous longeons les champs de coton. Malgré tous nos efforts, nous ne parvenons pas à faire arrêter Boris et notre guide pour une petite photo de travailleuses dans les champs de coton. Je reviendrai ultérieurement sur cette culture et ses spécificités.
Sur la route nous passons dans un village où, au milieu d'un attroupement, nous repérons des femmes portant un voile blanc sur la tête de façon plus ostensible qu'à l'accoutumée. En fait, cela signale qu'elles ont un défunt dans leur famille et qu'elles se rendent à ses funérailles. Les voisins viendront ensuite rendre hommage dans les trois jours puis un imam passera régulièrement pendant un an. A Khiva et Boukhara, les morts sont recouverts de terre car l'eau affleure à quelques mètres sous la surface (2 ou 3m). Après l'enterrement, il convient de boire un coup. Au bout de 3 jours, le veuf peut se remarier tandis que la femme doit attendre plusieurs mois !
Nous filons et entrons dans la province de Navoij. Au total, l'Ouzbékistan compte 12 provinces et une république autonome (la Karakalpakie). Cette province-ci est spécialisée dans le coton (pour changer), le melon et la pastèque. Ces derniers fruits sont d'ailleurs à tomber par terre dans ce pays.
Sur la route, nous marquons une première halte car en plein milieu du désert s'élèvent les ruines d'un ancien caravansérail du XVIème appelé Rabati Malik. Il n'en reste aujourd'hui que le portail et les fondations.
A l'origine il comportait au moins deux minarets dont un mesurait 66m de haut. Ceux-ci ne servaient pas à l'appel à la prière mais de phares. Leur sommet, creux, était rempli de substances inflammables. De grands feux guidaient ainsi les caravanes sur des dizaines de kilomètres car, à cause de la chaleur accablante le jour, elles étaient contraintes d'évoluer la nuit. Le caravansérail pouvait accueillir de 300 à 3000 caravaniers. Il a été restauré par les Russes dans les années 60-70.
Juste en face se trouve un réservoir d'eau du XIIème siècle nommé Sardoba Rabati Malik. Les caravaniers venaient y reconstituer leurs réserves et désaltérer leurs chameaux qui ont une autonomie de 45j. Un récipient en céramique permettait de remonter le précieux liquide. Avant sa restauration, le dôme était effondré.
Nous déroulons ensuite le ruban asphalté jusqu'à Gijduvan et l'atelier Abdullo Narzullaev. Celui-ci comprend un petit musée dans lequel sont exposées les pièces élaborées par plusieurs générations de céramistes d'une même famille, des démonstrations de travail artisanal (métier à tisser, fabrication des poteries en 23 étapes et 2 cuissons, construction d'un four ...). La fin est par contre inéluctable : le passage à la boutique souvenir où l'on n'accepte que les dollars en parfait état.
Au coeur de la ville, nous stoppons devant la madrasa Oulough Begh, une des trois qui porte ce nom avec celles de Samarkand et de Boukhara. Le site comprend le tombeau d'un saint de la banlieue de Boukhara, un petit minaret du début du XXème siècle, une mosquée du vendredi et une madrasa. Non loin du tout, une fontaine aux ablutions pour se purifier avant ou après la bénédiction par un imam.
Encore quelques kilomètres plus loin, nous marquons une dernière halte au minaret de Vabkent. Datant du XIIème, il se situe à 45km de Boukhara et s'élève à 39m. Il s'agissait du dernier "phare" avant la grande cité caravanière.
Sur le coup des 13h, nous entrons dans la "Perle de l'Islam" : Boukhara, 300 000 habitants. L'influence orientale y est très présente et la ville prend également grand soin de ses facettes historiques. Après s'être installés à l'hôtel, nous partons vers la place Liab-i-Khaouz pour déjeuner. Trois monuments (et des restaurants) s'y dressent autour d'un bassin : la madrasa et la khanaka Nadir Divanbeg ainsi que la madrasa Koukeldash.
Nous commençons la découverte de ce lieu par la statue d'un personnage atypique nommé Khodja Nasreddin, derviche de son état. Grâce à sa ruse, il parvint à récupérer une partie de la fortune de l'émir local en le sauvant de la noyade et à redistribuer cette richesse à la population la plus pauvre de la ville. Il est aujourd'hui le prétexte de nombreuses blagues.
Derrière lui se dresse la madrasa Nadir Divanbeg qui abrite un restaurant et des boutiques souvenirs et où se tient régulièrement un spectacle de danses folkloriques entrecoupé d'un défilé de mode. Sur sa façade sont représentés deux êtres vivants : des simorghs, oiseaux fantastiques hérités des zoroastriens.
Sur la gauche de ce bâtiment, de l'autre côté de la chaussée, la madrasa Koukeldash est un centre d'artisanat datant du XVIème siècle. C'est la plus grande de son genre dans la ville : elle comprend 160 cellules pour l'enseignement du Coran.
Nous commençons la "visite" par un témoignage touchant d'une jeune vendeuse de suzanis (tentures en coton) désolée car contrainte d'épouser dans les mois qui viennent un inconnu qu'elle n'aimait pas. Son cas n'est cependant pas isolé puisque le mariage arrangé est encore largement la norme dans le pays. La plupart du temps les futurs époux (et surtout la femme) ne sont pas consentants, c'est la famille qui dicte son choix. Le mariage est à la fois civil et religieux et est l'objet d'une dot. La cérémonie se déroule d'abord dans la famille de la femme puis dans celle de l'homme. A l'issue de celle-ci, l'épouse part s'installer chez ses beaux-parents, ne peut plus sortir seule et doit obéissance à sa belle-mère.
Nous entrons ensuite dans la cour intérieure au centre de laquelle se dresse un bâtiment. Sous une arcade, deux jeunes filles sont en train de se bousiller le dos et les yeux à s'escrimer sur des métiers à tisser bien artisanaux.
Enfin, le dernier monument de la place est la khanaka Nadir Divanbeg où logeaient les derviches simples et itinérants. Elle fait aujourd'hui office de magasins de produits manufacturés (tapis et suzanis).
Avant de retourner à l'hôtel, nous visitons le sud de la place. Une des façades ouvre sur un ancien caravansérail aujourd'hui reconverti dans le commerce à l'attention des touristes. Un autre bâtiment abrite un marchand de marionnettes qui à l'occasion monte de petits spectacles pour distraire les enfants.
L'après-midi étant loin d'être achevée, nous nous séparons quelques temps. Pendant 1h30, je vais en profiter pour prendre un peu d'avance sur le lendemain : je commence par me balader dans l'est du quartier juif au sud de la place Liab-i-Khaouz, puis passe sous les 3 coupoles que compte la ville. J'assiste ensuite au coucher de soleil sur l'ensemble Poy Kalon et pousse jusqu'à la citadelle. Durant ce parcours, je ne cesse de croiser par hasard (dans mon cas) les autres membres du groupe y compris notre guide. A une poignée de minutes du repas, je rentre à l'hôtel.
Au cours du repas, le guide termine de nous décrire le triste destin des femmes. Dans un hôtel de luxe de cette ville, de pauvres mineures sont livrées en pâture pour satisfaire la c*** (la censure en Ouzbékistan a parfois du bon) de certains touristes. Pour continuer sur ce thème, il nous présente sa vision de la femme (ou la vision locale) : bobonne reste à la maison pour éduquer les gamins pendant que son mari peut aller vaquer à ses occupations. En même temps, on a aussi des spécimens comme ça en France. Enfin, pour notre guide, 7 pas au-delà de la maison et il est célibataire, il peut donc enlever son alliance ! Bref, le débat sur la parité c'est pas tout à fait pour demain ... Et il nous offre une belle occasion de le charrier dans les jours à venir. Je lui réserve d'ailleurs un petit cadeau dans un prochain article.
Pour me changer les idées et m'aérer un peu, je sors toujours en compagnie de G. à travers les rues touristiques de Boukhara.
Tags : caravansérail et réservoir d eau rabati malik, gijduvan, vabkent, boukhara
-
Commentaires
2About my photoDimanche 27 Janvier 2013 à 22:43Hi Gordon,
I personnaly take this photo. All the photos in my blog are mine except two or three who belongs to my friends in this trip.
Regards
Ajouter un commentaire
Who took the photograph of Vabkent Minaret, with the floral foreground?
Is it available in high definition format?
Thanks in anticipation of your kind reply.