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Une tragédie environnementale
Samedi 11 septembre 2010 : Traversée du désert du Kyzyl Koum
Boukhara, c'est fini !!!!!!!!!!!!!!!!!!!! La ville était belle bien sûr mais le temps libre nous a pas mal pesé. Aujourd'hui, c'est la traversée du désert (au sens propre bien sûr) : plus de 500km à travers le Kyzyl Koum pour atteindre Khiva à la frontière du Turkménistan.
Depuis près d'une semaine nous faisons du lobbying auprès de notre guide pour nous arrêter au bord d'un champ de coton où travaillent des ouzbeks. Nous en avons vu pléthore mais ne nous sommes hélas jamais arrêtés car il y en avait toujours plus loin. Aujourd'hui, le guide commence peut être à douter que l'on en voie dans l'avion ou à Tashkent, il accède donc à notre demande ... mais dans un champ sans ouvrier. Snif ! La vie est parfois injuste ...
Le champ devant lequel nous sommes stationnés est par contre magnifique car nous pouvons y trouver du coton à tous les stades de développement : du bourgeon à la maturité en passant par la fleur.
Le coton est au coeur de l'économie du pays, c'est sa richesse principale. L'Ouzbékistan en est le 2nd exportateur mondial derrière les USA. Sa production représente 75% des exportations d'Asie Centrale. Il y a 4 récoltes par an faites uniquement à la main : début septembre, fin septembre, octobre et novembre. A chaque fois, c'est un événement de premier plan qui mobilise une grande partie des forces vives de la nation : les cours s'arrêtent et les étudiants partent dans les champs donner un coup de main. Ils perçoivent en échange une rémunération et peuvent être logés sur place s'ils sont loin de leur domicile. Les militaires peuvent également être réquisitionnés ... Extraire le coton de la plante nécessite juste de tirer dessus mais la répétition du même geste est très pénible. Les deux premières récoltes, de meilleure qualité, sont vouées à l'exportation sous forme de balles ou de produits manufacturés, les deux suivantes au marché intérieur. Le travail dans les exploitations est quotidien et rémunéré au poids pour plus d'équité.
Mais les conséquences de cette monoculture sont multiples et parfois dramatiques :
- les prix sont fixés par l'Etat et des quotas fixés. La non-atteinte des objectifs entraîne une sanction pécuniaire.
- l'environnement paie également cher l'addition. Cette culture est en effet extrêmement gourmande en eau d'où des pompages excessifs dont nous verrons les conséquences un peu plus loin dans cet article. La multiplication des récoltes conduit également à un appauvrissement du sol et une baisse du rendement des récoltes. L'abus d'engrais pollue les sols. Et pour en revenir à l'irrigation, sa mauvaise gestion bouleverse les paysages en faisant apparaître de nouveaux lacs pollués. C'est le cas de l'Aydar Koul aux dimensions immenses et dont le niveau continue de monter.
D'autres secteurs existent dans l'économie ouzbèke mais ont un poids nettement plus marginal :
- le pétrole et surtout le gaz pour lequel les réserves sont énormes suscitant l'attrait des firmes étrangères. Jusqu'en 2012, des contrats obligent à exporter le gaz vers l'Ukraine. Mais au-delà de cette date, le pays aimerait bien atteindre l'ensemble du marché européen. Pour le pétrole les réserves sont plus limitées et le pays dépend des importations. Il y a en effet 1 à 2 voitures par foyer mais un problème pour l'essence car il n'y a plus qu'une raffinerie dans le pays contre 3 auparavant. De nombreuses stations sont fermées et le marché noir se développe. Combien de fois avons-nous été sifflés en cours de route pour se faire ravitailler ?
- le tourisme : le potentiel du pays est assez immense avec toutes les villes que nous traversons et monuments que nous visitons actuellement. Les français sont aujourd'hui les touristes les plus nombreux.
- l'agro-alimentaire : les bords des routes sont également couverts par moment de fruits et de légumes à la saveur inimitable. Et leur viande est à tomber par terre de par sa tendresse et son goût. En fait, il n'y a que le gâteau au fromage du Platane qui soit réellement inmangeable...
Satisfaits, nous reprenons la route et pénétrons peu à peu dans le désert du Kyzyl Koum qui signifie "sable rouge". Celui-ci s'étend sur les deux-tiers du pays et n'est pas uniquement constitué de sable. De nombreux arbustes et buissons y poussent puisque l'eau affleure sous la surface dans tout le pays : tamaris et saxaouls s'y développent sans souci. La densité humaine est plus faible tandis que les animaux sont nombreux : chameaux de Bactriane, gerboises, lézards ...
Nous ne tardons pas à voir à quelques encablures de la route une yourte de semi-nomades qui l'hiver regagnent la ville la plus proche. D'avril à septembre, ils viennent s'installer dans le désert avec leurs chèvres ou brebis. A notre arrivée, des femmes sont en train de préparer le pain.
Nous poursuivons notre chemin. Sur la route, nous dépassons de nombreux camping-cars allemands, suisses ou hollandais qui, sur plusieurs mois, parcourent l'intégralité de la Route de la Soie. Ils viennent de Brême via Istanbul et l'Iran et vont à Xian en Chine.
A midi, nous nous arrêtons dans un petit restoroute. Le temps que le déjeuner soit prêt je vais me promener dans les environs traquer le chameau de Bactriane et les gerboises. Du premier, je n'apercevrai qu'une trace de pas tandis que je pourrais approcher les secondes.
Une fois de plus nous traçons notre voie au milieu du désert sur d'interminables portions de route toutes droites.
Nous aboutissons à la frontière avec le Turkménistan. Elle se situe à environ 1km et un très large fleuve nous en sépare : l'Amou Darya. Celui-ci est né dans les montagnes du Tadjikistan, délimite la frontière de ce pays avec l'Afghanistan puis celle de l'Ouzbékistan avec le Turkménistan. Mais, de nos jours, ses 2500km n'atteignent plus son débouché naturel : la mer d'Aral. Un autre fleuve au nord connaît le même sort : le Syr Daria, 3500km qui ne vont plus nulle part. Et c'est justement la culture du coton qui en est en grande partie responsable ! Depuis les années 1960, la mer, autrefois le 4ème plus grand lac au monde, ne cesse de reculer. En 1990, elle s'était déjà réduite de moitié et avait baissé de 16,5m ! Et le phénomène s'est poursuivi depuis 20 ans. Les conséquences pour le pays sont immenses : en reculant, du sel s'est déposé sur le sol le rendant stérile mais il a également été emporté par le vent et contamine des terres plus lointaines.
Pour être plus concret, voici ce qui disparaît en moins de 2500km grâce à la bêtise humaine :
Cette année quelques personnes insensées se sont réjouies car pour la première fois l'Amou Daria réatteint la mer d'Aral. Victoire amère en réalité puisque cette remontée du niveau du fleuve est liée à la fonte des glaciers du Tadjikistan.
Des projets pharaoniques ont également envisagé de pomper l'eau de la mer Caspienne à plusieurs milliers de kilomètres de là. Mais ils se sont révélés impossible à mettre en oeuvre du fait de la différence d'altitude. Le problème est donc loin d'être réglé et même réglable.
Nous pénétrons ensuite dans la région de Khiva : le Khorezm. Nous nous rendons dans un premier temps à la citadelle de Kalajik, une des cinquante que compte approximativement la région. C'était un camp de repos pour les soldats construit au 4ème ou 5ème siècle. Aujourd'hui, des citadins viennent prendre des bains dans le petit lac qui se trouve à ses pieds.
Nous arrivons à Khiva vers 17h30 où une suite luxueuse nous attend. Autant pour moi, attend certains d'entre nous. Désolé pour celle qui a eu le placard à balais. Il ne fallait pas être seule non plus. Tu aurais pu céder aux avances du guide et il t'aurait sûrement donné notre chambre.
Profitant des instants qu'il nous reste avant le coucher du soleil, nous partons à deux sur le chemin de ronde de la vieille ville. Le temps de se rendre compte qu'il ne fait pas le tour de la ville et de rebrousser chemin, nous récupérons JC pour une visite éclair de Khiva au soleil couchant.
Et après le dîner, nous remettons une seconde couche pour aller voir les illuminations by night en faisant bien attention de ne pas tomber dans une des bouches d'égouts ouvertes comme il y en a tant en Asie Centrale ...
Tags : coton, kyzyl koum, amou darya, khiva
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