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Mercredi 8 septembre 2010 : Sur les pistes caravanières jusqu'à Boukhara
Ce matin, nous repartons sur la Route de la Soie. Chargé de bagages et de touristes, notre véhicule démarre en direction de Boukhara. 268km nous séparent de cette autre cité que nous allons rallier en une matinée quand les caravanes mettaient des jours et des jours. Dans un premier temps, nous longeons les champs de coton. Malgré tous nos efforts, nous ne parvenons pas à faire arrêter Boris et notre guide pour une petite photo de travailleuses dans les champs de coton. Je reviendrai ultérieurement sur cette culture et ses spécificités.
Sur la route nous passons dans un village où, au milieu d'un attroupement, nous repérons des femmes portant un voile blanc sur la tête de façon plus ostensible qu'à l'accoutumée. En fait, cela signale qu'elles ont un défunt dans leur famille et qu'elles se rendent à ses funérailles. Les voisins viendront ensuite rendre hommage dans les trois jours puis un imam passera régulièrement pendant un an. A Khiva et Boukhara, les morts sont recouverts de terre car l'eau affleure à quelques mètres sous la surface (2 ou 3m). Après l'enterrement, il convient de boire un coup. Au bout de 3 jours, le veuf peut se remarier tandis que la femme doit attendre plusieurs mois !
Nous filons et entrons dans la province de Navoij. Au total, l'Ouzbékistan compte 12 provinces et une république autonome (la Karakalpakie). Cette province-ci est spécialisée dans le coton (pour changer), le melon et la pastèque. Ces derniers fruits sont d'ailleurs à tomber par terre dans ce pays.
Sur la route, nous marquons une première halte car en plein milieu du désert s'élèvent les ruines d'un ancien caravansérail du XVIème appelé Rabati Malik. Il n'en reste aujourd'hui que le portail et les fondations.
A l'origine il comportait au moins deux minarets dont un mesurait 66m de haut. Ceux-ci ne servaient pas à l'appel à la prière mais de phares. Leur sommet, creux, était rempli de substances inflammables. De grands feux guidaient ainsi les caravanes sur des dizaines de kilomètres car, à cause de la chaleur accablante le jour, elles étaient contraintes d'évoluer la nuit. Le caravansérail pouvait accueillir de 300 à 3000 caravaniers. Il a été restauré par les Russes dans les années 60-70.
Juste en face se trouve un réservoir d'eau du XIIème siècle nommé Sardoba Rabati Malik. Les caravaniers venaient y reconstituer leurs réserves et désaltérer leurs chameaux qui ont une autonomie de 45j. Un récipient en céramique permettait de remonter le précieux liquide. Avant sa restauration, le dôme était effondré.
Nous déroulons ensuite le ruban asphalté jusqu'à Gijduvan et l'atelier Abdullo Narzullaev. Celui-ci comprend un petit musée dans lequel sont exposées les pièces élaborées par plusieurs générations de céramistes d'une même famille, des démonstrations de travail artisanal (métier à tisser, fabrication des poteries en 23 étapes et 2 cuissons, construction d'un four ...). La fin est par contre inéluctable : le passage à la boutique souvenir où l'on n'accepte que les dollars en parfait état.
Au coeur de la ville, nous stoppons devant la madrasa Oulough Begh, une des trois qui porte ce nom avec celles de Samarkand et de Boukhara. Le site comprend le tombeau d'un saint de la banlieue de Boukhara, un petit minaret du début du XXème siècle, une mosquée du vendredi et une madrasa. Non loin du tout, une fontaine aux ablutions pour se purifier avant ou après la bénédiction par un imam.
Encore quelques kilomètres plus loin, nous marquons une dernière halte au minaret de Vabkent. Datant du XIIème, il se situe à 45km de Boukhara et s'élève à 39m. Il s'agissait du dernier "phare" avant la grande cité caravanière.
Sur le coup des 13h, nous entrons dans la "Perle de l'Islam" : Boukhara, 300 000 habitants. L'influence orientale y est très présente et la ville prend également grand soin de ses facettes historiques. Après s'être installés à l'hôtel, nous partons vers la place Liab-i-Khaouz pour déjeuner. Trois monuments (et des restaurants) s'y dressent autour d'un bassin : la madrasa et la khanaka Nadir Divanbeg ainsi que la madrasa Koukeldash.
Nous commençons la découverte de ce lieu par la statue d'un personnage atypique nommé Khodja Nasreddin, derviche de son état. Grâce à sa ruse, il parvint à récupérer une partie de la fortune de l'émir local en le sauvant de la noyade et à redistribuer cette richesse à la population la plus pauvre de la ville. Il est aujourd'hui le prétexte de nombreuses blagues.
Derrière lui se dresse la madrasa Nadir Divanbeg qui abrite un restaurant et des boutiques souvenirs et où se tient régulièrement un spectacle de danses folkloriques entrecoupé d'un défilé de mode. Sur sa façade sont représentés deux êtres vivants : des simorghs, oiseaux fantastiques hérités des zoroastriens.
Sur la gauche de ce bâtiment, de l'autre côté de la chaussée, la madrasa Koukeldash est un centre d'artisanat datant du XVIème siècle. C'est la plus grande de son genre dans la ville : elle comprend 160 cellules pour l'enseignement du Coran.
Nous commençons la "visite" par un témoignage touchant d'une jeune vendeuse de suzanis (tentures en coton) désolée car contrainte d'épouser dans les mois qui viennent un inconnu qu'elle n'aimait pas. Son cas n'est cependant pas isolé puisque le mariage arrangé est encore largement la norme dans le pays. La plupart du temps les futurs époux (et surtout la femme) ne sont pas consentants, c'est la famille qui dicte son choix. Le mariage est à la fois civil et religieux et est l'objet d'une dot. La cérémonie se déroule d'abord dans la famille de la femme puis dans celle de l'homme. A l'issue de celle-ci, l'épouse part s'installer chez ses beaux-parents, ne peut plus sortir seule et doit obéissance à sa belle-mère.
Nous entrons ensuite dans la cour intérieure au centre de laquelle se dresse un bâtiment. Sous une arcade, deux jeunes filles sont en train de se bousiller le dos et les yeux à s'escrimer sur des métiers à tisser bien artisanaux.
Enfin, le dernier monument de la place est la khanaka Nadir Divanbeg où logeaient les derviches simples et itinérants. Elle fait aujourd'hui office de magasins de produits manufacturés (tapis et suzanis).
Avant de retourner à l'hôtel, nous visitons le sud de la place. Une des façades ouvre sur un ancien caravansérail aujourd'hui reconverti dans le commerce à l'attention des touristes. Un autre bâtiment abrite un marchand de marionnettes qui à l'occasion monte de petits spectacles pour distraire les enfants.
L'après-midi étant loin d'être achevée, nous nous séparons quelques temps. Pendant 1h30, je vais en profiter pour prendre un peu d'avance sur le lendemain : je commence par me balader dans l'est du quartier juif au sud de la place Liab-i-Khaouz, puis passe sous les 3 coupoles que compte la ville. J'assiste ensuite au coucher de soleil sur l'ensemble Poy Kalon et pousse jusqu'à la citadelle. Durant ce parcours, je ne cesse de croiser par hasard (dans mon cas) les autres membres du groupe y compris notre guide. A une poignée de minutes du repas, je rentre à l'hôtel.
Au cours du repas, le guide termine de nous décrire le triste destin des femmes. Dans un hôtel de luxe de cette ville, de pauvres mineures sont livrées en pâture pour satisfaire la c*** (la censure en Ouzbékistan a parfois du bon) de certains touristes. Pour continuer sur ce thème, il nous présente sa vision de la femme (ou la vision locale) : bobonne reste à la maison pour éduquer les gamins pendant que son mari peut aller vaquer à ses occupations. En même temps, on a aussi des spécimens comme ça en France. Enfin, pour notre guide, 7 pas au-delà de la maison et il est célibataire, il peut donc enlever son alliance ! Bref, le débat sur la parité c'est pas tout à fait pour demain ... Et il nous offre une belle occasion de le charrier dans les jours à venir. Je lui réserve d'ailleurs un petit cadeau dans un prochain article.
Pour me changer les idées et m'aérer un peu, je sors toujours en compagnie de G. à travers les rues touristiques de Boukhara.
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Jeudi 9 septembre 2010 : Visite culturelle de Boukhara
Aujourd'hui, c'est LA grosse journée culturelle à Boukhara. Au programme : madrasa et mosquée, mosquée et madrasa, madrasa sans mosquée et mosquée sans madrasa. De quoi en rêver même la nuit !
Nous commençons la journée par une coupole de marchands : la coupole des changeurs ou Tak-i-Sarrafan. Il n'en reste plus que trois aujourd'hui dans la ville sur les 7 qui existaient à l'origine. Toutes datent du XVIème siècle. Elles sont surmontées de nombreuses coupoles et abritent quelques magasins désormais à vocation touristique. Celle où nous nous trouvons était occupée par les juifs qui habitaient dans le quartier la jouxtant, les Ouzbeks dénigrant la profession de changeur.
Au nord de cette coupole se trouve la mosquée Magok-i-Attari qui a la particularité d'être bien plus basse que le niveau de la place. Elle est longtemps restée enfouie sous terre et n'a été redécouverte qu'en 1839. Elle abrite aujourd'hui un musée-boutique de tapis. A l'intérieur se trouvent un escalier à larges marches que pouvaient emprunter des cavaliers, des écuries et un puits au fond duquel restent les fondations de bâtiments plus anciens. Sur sa façade sud se mélangent les styles musulmans et zoroastriens.
Nous rejoignons ensuite la coupole des chapeliers, Tak-i-Telpak Furushan.
En prenant à notre gauche et en sortant plein nord, on parcourt une rue bordée d'échoppes touristiques (pour changer). Sur notre droite, nous laissons le Tim Abdullah Khan, un marché couvert où se vendent tapis, tissus ... Juste avant la troisième et dernière coupole, nous obliquons encore à droite vers les Kosh Madrasa, terme signifiant qu'elles se font face. L'une d'elles est en plein "lifting" : sa façade est en cours de restauration. Nous ne pouvons ainsi voir que la madrasa Oulough Begh, la plus ancienne des deux. Son maître d'oeuvre étant le petit-fils de Tamerlan, celui qui appréciait les sciences plus que la guerre, la madrasa dispensait un enseignement plus ouvert que dans les autres structures de même type.
Nous traversons alors le quartier tadjik pour rejoindre le Tchor Minor, une petite madrasa coiffée de 4 minarets. Chacun d'eux symbolise soit une ville de la Route de la Soie (Boukhara, Damas, Bagdad, Kaboul) soit une ville importante de l'Ouzbékistan (Termez, Khiva, Boukhara, Samarkand). La madrasa a été construite tardivement (1807) par un riche marchand turkmène. Sa taille étant réduite, les cellules se trouvent de part et d'autre de l'édifice : 3 à droite et 4 à gauche.
Nous rebroussons chemin pour revenir à la coupole des joailliers, Tak-i-Zargaran.
Nous parvenons alors à la principale curiosité de la ville : la place Poy Kalon. Elle se compose de 3 principaux monuments : la mosquée Kalon, le minaret de même nom et la madrasa Mir-i-Arab. Détaillons sommairement chacun de ces monuments :
- la mosquée Kalon est une mosquée Jammi, la plus grande d'Asie centrale. Elle a été édifiée à l'emplacement d'un ancien temple bouddhiste probablement au VIIIème siècle pour sa version initiale. Mais elle a été détruite maintes fois au cours de l'histoire notamment par Gengis Khan, le héros mongol.
Une fois entrés dans l'édifice, une vaste cours s'ouvre devant nous. Au centre de celle-ci se dresse un mémorial octogonal à la mémoire des martyrs morts lors de la destruction par les mongols. Sur les côtés, de vastes galeries recouvertes de très nombreuses coupoles.
- le minaret Kalon mesure 48m de haut mais une partie se trouve enterrée pour une plus grande stabilité. Il remonte au XIIème siècle et a eu plusieurs vocations : appel à la prière; "tour de la mort" depuis laquelle on jetait les condamnés à mort et, pour finir, phare guidant les caravanes grâce à l'huile qui brûlait dans la vasque située à son sommet.
- enfin la madrasa Mir-i-Arab a été construite au XVIème siècle. Sa vocation est uniquement religieuse puisque 125 étudiants de 15 à 18 ans y sont encore formés aujourd'hui. De ce fait, l'entrée est interdite au public.
Derrière le minaret Kalon, une autre coupole se détache du ciel bleuté : celle de la madrasa Amir Alim Khan. Après avoir franchi son portail, on pénètre dans une première cour allongée puis dans une seconde de plan rectangulaire. De celle-ci, on peut accéder au toit de la madrasa et avoir une vue sur les environs. Cette madrasa fait aujourd'hui office de bibliothèque mais elle conserve ses cellules d'étudiants.
Pendant que je redescends du toit, une altercation monte de la cour : les jeunes gardiennes des lieux sont mécontentes que nous et d'autres touristes soyons montés sur le toit alors que les portes étaient ouvertes ... Peut-être ont-elles raté un bakchich ? Plutôt que d'attiser les tensions, notre guide préfère sortir du monument.
Sur ce, la matinée et les visites du jour s'achèvent. Nous avons l'après-midi à occuper à notre guise. Toujours avec la même personne du groupe, nous décidons de passer l'après-midi à nous promener dans des coins que nous n'avons pas encore vus mais au programme de demain. Nous partons donc vers la citadelle (Ark) puis vers la mosquée Bolo-Khaouz, la muraille de la ville où des gitanes nous abordent pour réclamer des sous et le mausolée Ismail Samani où nous sommes abordés par des étudiants pour discuter. L'heure avançant nous souhaitons aller au Zindan, la prison de l'émir. Les cartes de mon guide étant d'une précision digne des satellites de la préhistoire, nous partons dans la mauvaise direction. Au bout de quelques kilomètres, des policiers nous apprennent notre erreur. Après quelques tâtonnements dans des petites ruelles, nous finissons par tomber sur le site désiré.
Le Zindan est donc une prison où les prisonniers pouvaient être suppliciés longuement : ils étaient jetés et abandonnés des semaines à des rats et à des insectes plutôt voraces. Selon les récits, un premier émissaire anglais fut jeté là pour une question d'entorse au protocole en présence de l'émir. S'étonnant de la disparition de cette personne, une autre ambassade fut envoyée et finit de la même façon. Après quelques temps de supplices, ils furent enfin exécutés.
Nous retournons ensuite à l'hôtel par l'ensemble Poy Kalon et les coupoles. Mais la soirée est encore un peu loin, je repars donc aussitôt à l'assaut de la partie ouest du quartier juif que je n'ai pas encore visitée. Celle-ci comprend de nombreuses madrasas abandonnées.
Ma promenade se termine sur la place Liab-i-Khaouz où je retrouve le jeune photographe de la statue Nasreddin que j'avais déjà rencontré hier soir. Lui au moins ne me demande rien, il est simplement content d'échanger avec un occidental en attendant les clients potentiels.
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Vendredi 10 septembre : fin du Ramadan
Deux jours et demi consacrés à une telle ville c'est beaucoup trop. Certes, il y a beaucoup de choses à voir mais tout est concentré sur un faible périmètre. Nous frôlons donc la saturation d'autant plus que le temps-libre est trop fréquent...
Pour commencer la journée, nous sortons de la ville en véhicule pour mieux y revenir ensuite. Nous passons devant un nouveau complexe administratif mégalo et un palais présidentiel. De toute façon, c'est le peuple qui paye alors pourquoi s'en priver ! Dans la proche périphérie de la ville, les émirs de Boukhara avaient édifié un palais d'été : Sitori-i-Mokhi Khosa. La fin de l'édification de ce complexe remonte seulement à 1914 par le fils du dernier émir. Il s'étend sur 6 hectares et comprend un palais, un harem et un zoo où vivaient en liberté ... des paons et des lapins. Que de risques encourus ! Nous entamons la visite par le palais d'été. Celui-ci affiche clairement une architecture influencée de St Pétersbourg et pour cause puisque le dernier émir y avait vécu une partie de sa vie.
L'intérieur du bâtiment blanc abrite une salle de réception, un petit salon-vestibule pour discuter avec les ambassadeurs russes, une salle des miroirs copiée sur le modèle de St Pétersbourg et contenant des présents d'ambassadeurs, une salle où étaient discutées les affaires du Royaume, une salle des secrétaires comprenant un miroir à 3 faces et une véranda avec des céramiques de Chine et de Corée.
Nous traversons ensuite les jardins de l'émir remplis de roses et d'arbres fruitiers jusqu'au harem. Celui-ci abrite une collection de suzanis et différents éléments de la vie quotidienne comme un berceau, un rouet ou une tenue de mariage traditionnelle. Au sommet du bâtiment, un balcon donne sur un petit bassin.
A proximité immédiate du harem et du bassin se trouve une sorte de kiosque abritant le trône de l'émir. Le minaret accolé permettait au roi d'y faire sa prière. Une fois terminée, il pouvait reprendre sa place sur le trône et regarder ses femmes et maîtresses se baigner dans l'eau du bassin. Je dois préciser qu'il a eu 18 femmes et, comme ce n'est pas suffisant pour un vieux pervers, des maîtresses de 18 à 26 ans. Tout cela il y a à peine plus d'un siècle, pas au Moyen-Age... ça permet de mieux comprendre certaines mentalités actuelles.
Pour choisir celle qui aurait le malheur de partager sa chambre le soir venu, la légende raconte qu'il lançait une pomme dans le bassin et que, celle qui la rattrapait, était l'élue du jour (je dirais la damnée plutôt). C'est à ce moment de l'explication que G. sort une belle pomme rouge de son sac pour l'exhiber au guide et se moquer de son comportement. En effet, lorsqu'il ne raconte pas des cracks, il a appris une phrase ("tu es fantastique") qu'il répète en boucle à G., ce qui est légèrement lourd au bout de la 72549ème fois de la journée. Nous le taquinons donc régulièrement sur le sujet. Et nous lui avons même rédigé un abécédaire pour enrichir son vocabulaire. Je le présente un peu plus loin...
Cette visite terminée, nous filons sur Boukhara pour poursuivre celles de la veille. Nous commençons par le mausolée Ismail Samani, construit au Xème siècle. Comme la mosquée du centre-ville, il fut longtemps enseveli et déterré par le même russe, Chichkine. Il avait le nez creux ce type ! A l'origine, Ismail Samani l'a bâti pour son père. Il comporte des symboles zoroastriens sur sa façade. Et son architecture particulière présente des vertus antisismiques : les briques sont en effet entrecroisées et faites de jaunes d'oeufs, de sang de taureaux et de lait de chamelles.
Autour de ce sanctuaire, le parc de l'Indépendance accueille les badauds venus se divertir dans des attractions plutôt anciennes ou se balader. Un lac artificiel a également été aménagé au nord-ouest. De l'autre côté de celui-ci reste un pan de muraille de la ville. Jadis elle était haute de 11m, comprenait 11 portes et s'étendait sur 12 km. Aujourd'hui, il ne reste que deux portes dont la porte Talipoch au fond sur la photo ci-dessous.
Derrière le rempart se tient le marché Kolkhoznaïa qui a été rénové mais où tout se vendait encore à même le sol il n'y a pas si longtemps. Il s'articule également par catégorie de produits et permet de s'en mettre plein les yeux au niveau des couleurs.
A proximité immédiate de ce site deux monuments se font face : le mausolée de Job et un mémorial pour l'imam Al-Boukhari. Le mausolée de Job, appelé Mazar Chachma Ayoub en ouzbek, correspond au lieu où Job a fait jaillir de terre une source en tapant trois fois de son bâton le sol. D'après les légendes locales, ce prophète de l'Ancien Testament, y serait également enterré. Mais sur ce point des doutes peuvent subsister puisque son tombeau est revendiqué par Damas, Bagdad et la Turquie. Ce bâtiment du XIVème siècle abrite aujourd'hui une exposition sur l'irrigation de la région depuis l'Amou Darya et un puits de 10m de profondeur dans lesquels les pèlerins viennent remplir une tasse et en boire une gorgée. La coupole qui coiffe le bâtiment est inspirée de l'architecture du Khorezm où nous serons demain soir.
Non loin de là deux madrasas, appelées les "fausses jumelles", se dressent l'une en face de l'autre : Modar-i-Khan et Abdullah Khan. Nous ne les visiterons pas mais nous y sommes passés hier après-midi sans guide. Un plaisantin nous a fait comprendre que nous n'y avions pas accès en tant que non-musulmans. Et comme on ne sait pas trop à quoi s'en tenir ...
Nous regagnons le centre-ville et approchons de la mosquée Bolo-Khaouz. Devant a été aménagé un petit bassin dit des Enfants du Roi. Un petit minaret se dresse à proximité immédiate et servait à annoncer l'arrivée de l'émir pour la prière. Quant à la mosquée, elle est relativement atypique puisque un auvent (appelé iwan dans le vocabulaire musulman) au plafond en bois peint soutenu par 40 colonnes elles-mêmes en bois dérobe le reste du bâtiment aux regards.
Aujourd'hui c'est kurban haïr, la levée du jeûne ou la fin du Ramadan. C'est l'occasion d'une fête durant toute la journée mais celle-ci n'est pas l'occasion d'un débordement de joie ou d'un quelconque autre sentiment : tout se passe avec réserve et discrétion au point que cela aurait presque pu passer inaperçu si nous n'étions avertis. Une partie de la journée est consacrée à la prière. Devant Bolo-Khaouz, les préparatifs vont bon train et les fidèles arrivent progressivement pour la grande cérémonie de l'après-midi. Le reste aura lieu dans les domiciles avec la fin de milliers de moutons pour marquer cette date.
Pour terminer la journée de visite, nous passons devant une tour métallique ...
... pour aboutir au pied de l'Ark, l'impressionnante citadelle de la ville dont les murs font une bonne vingtaine de mètres de hauteur ! Elle fut régulièrement détruite ou endommagée par exemple par Gengis Khan ou Mikhail Frunze, commandant de l'armée bolchévique. Mais elle se releva toujours et retrouva à chaque fois sa splendeur et sa grandeur. L'entrée est suffisamment large et ne comprend pas de marche pour que l'on puisse y pénétrer à cheval. Sous la porte se trouvait la prison. On grimpe ensuite une rampe sinueuse pour aboutir à une mosquée, aux salles du trône et des ambassadeurs. A l'entrée de la salle du trône se dresse un pan de mur pour protéger la personne du roi de toute agression et pour cacher ceux qui demandaient ou attendaient une audience. Il fallait en outre se retirer en marchant à reculons pour ne pas finir au Zindan pour manque de respect.
Comme à l'accoutumée, je prolonge la journée toujours avec G. pour lui faire découvrir le quartier des madrasas abandonnées que j'ai découvert hier soir en solitaire lors de ma seconde sortie. Puis nous nous séparons à nouveau et je repars en direction du Tchor Minor. Dans les ruelles du quartier tadjik, la fête de fin du Ramadan bat son plein si j'en crois les musiques qui sortent des habitations.
La dernière soirée est plutôt ennuyante car nous nous retrouvons mêlés à de très nombreux autres touristes pour un spectacle folklorique-dîner-défilé de mode. Le guide nous ayant laissés en plan pour aller parler avec des amis, nous quittons les lieux dès le spectacle fini pendant que les autres groupes restent converser sur place.
Pour ne pas finir la journée sur cette note en demi-teinte, je propose un petit abécédaire que nous avons concocté la semaine suivante au Kirghizistan pour enrichir la phrase de notre guide. Au lieu de "tu es fantastique", tu peux aussi dire "tu es ..." :
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A : admirable, abasourdissante ... (nous avons pris de l'avance)
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B : belle
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C : charmante, craquante ...
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D : drôle
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E : exceptionnelle
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F : formidable
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G : grandiose, géniale ...
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H : hors-norme
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I : inoubliable
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J : jolie
- L : lumineuse
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M : magnifique, magique, merveilleuse ... (c'est pour compenser les lettres manquantes)
- P : parfaite
- R : ravissante
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S : superbe, sensationnelle
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T : troublante
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U: unique
Avec autant de mots nouveaux à son vocabulaire, nous sommes sûrs qu'il pourra sans problème tenir un circuit de 12 jours sans se répéter trop souvent.
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Samedi 11 septembre 2010 : Traversée du désert du Kyzyl Koum
Boukhara, c'est fini !!!!!!!!!!!!!!!!!!!! La ville était belle bien sûr mais le temps libre nous a pas mal pesé. Aujourd'hui, c'est la traversée du désert (au sens propre bien sûr) : plus de 500km à travers le Kyzyl Koum pour atteindre Khiva à la frontière du Turkménistan.
Depuis près d'une semaine nous faisons du lobbying auprès de notre guide pour nous arrêter au bord d'un champ de coton où travaillent des ouzbeks. Nous en avons vu pléthore mais ne nous sommes hélas jamais arrêtés car il y en avait toujours plus loin. Aujourd'hui, le guide commence peut être à douter que l'on en voie dans l'avion ou à Tashkent, il accède donc à notre demande ... mais dans un champ sans ouvrier. Snif ! La vie est parfois injuste ...
Le champ devant lequel nous sommes stationnés est par contre magnifique car nous pouvons y trouver du coton à tous les stades de développement : du bourgeon à la maturité en passant par la fleur.
Le coton est au coeur de l'économie du pays, c'est sa richesse principale. L'Ouzbékistan en est le 2nd exportateur mondial derrière les USA. Sa production représente 75% des exportations d'Asie Centrale. Il y a 4 récoltes par an faites uniquement à la main : début septembre, fin septembre, octobre et novembre. A chaque fois, c'est un événement de premier plan qui mobilise une grande partie des forces vives de la nation : les cours s'arrêtent et les étudiants partent dans les champs donner un coup de main. Ils perçoivent en échange une rémunération et peuvent être logés sur place s'ils sont loin de leur domicile. Les militaires peuvent également être réquisitionnés ... Extraire le coton de la plante nécessite juste de tirer dessus mais la répétition du même geste est très pénible. Les deux premières récoltes, de meilleure qualité, sont vouées à l'exportation sous forme de balles ou de produits manufacturés, les deux suivantes au marché intérieur. Le travail dans les exploitations est quotidien et rémunéré au poids pour plus d'équité.
Mais les conséquences de cette monoculture sont multiples et parfois dramatiques :
- les prix sont fixés par l'Etat et des quotas fixés. La non-atteinte des objectifs entraîne une sanction pécuniaire.
- l'environnement paie également cher l'addition. Cette culture est en effet extrêmement gourmande en eau d'où des pompages excessifs dont nous verrons les conséquences un peu plus loin dans cet article. La multiplication des récoltes conduit également à un appauvrissement du sol et une baisse du rendement des récoltes. L'abus d'engrais pollue les sols. Et pour en revenir à l'irrigation, sa mauvaise gestion bouleverse les paysages en faisant apparaître de nouveaux lacs pollués. C'est le cas de l'Aydar Koul aux dimensions immenses et dont le niveau continue de monter.
D'autres secteurs existent dans l'économie ouzbèke mais ont un poids nettement plus marginal :
- le pétrole et surtout le gaz pour lequel les réserves sont énormes suscitant l'attrait des firmes étrangères. Jusqu'en 2012, des contrats obligent à exporter le gaz vers l'Ukraine. Mais au-delà de cette date, le pays aimerait bien atteindre l'ensemble du marché européen. Pour le pétrole les réserves sont plus limitées et le pays dépend des importations. Il y a en effet 1 à 2 voitures par foyer mais un problème pour l'essence car il n'y a plus qu'une raffinerie dans le pays contre 3 auparavant. De nombreuses stations sont fermées et le marché noir se développe. Combien de fois avons-nous été sifflés en cours de route pour se faire ravitailler ?
- le tourisme : le potentiel du pays est assez immense avec toutes les villes que nous traversons et monuments que nous visitons actuellement. Les français sont aujourd'hui les touristes les plus nombreux.
- l'agro-alimentaire : les bords des routes sont également couverts par moment de fruits et de légumes à la saveur inimitable. Et leur viande est à tomber par terre de par sa tendresse et son goût. En fait, il n'y a que le gâteau au fromage du Platane qui soit réellement inmangeable...
Satisfaits, nous reprenons la route et pénétrons peu à peu dans le désert du Kyzyl Koum qui signifie "sable rouge". Celui-ci s'étend sur les deux-tiers du pays et n'est pas uniquement constitué de sable. De nombreux arbustes et buissons y poussent puisque l'eau affleure sous la surface dans tout le pays : tamaris et saxaouls s'y développent sans souci. La densité humaine est plus faible tandis que les animaux sont nombreux : chameaux de Bactriane, gerboises, lézards ...
Nous ne tardons pas à voir à quelques encablures de la route une yourte de semi-nomades qui l'hiver regagnent la ville la plus proche. D'avril à septembre, ils viennent s'installer dans le désert avec leurs chèvres ou brebis. A notre arrivée, des femmes sont en train de préparer le pain.
Nous poursuivons notre chemin. Sur la route, nous dépassons de nombreux camping-cars allemands, suisses ou hollandais qui, sur plusieurs mois, parcourent l'intégralité de la Route de la Soie. Ils viennent de Brême via Istanbul et l'Iran et vont à Xian en Chine.
A midi, nous nous arrêtons dans un petit restoroute. Le temps que le déjeuner soit prêt je vais me promener dans les environs traquer le chameau de Bactriane et les gerboises. Du premier, je n'apercevrai qu'une trace de pas tandis que je pourrais approcher les secondes.
Une fois de plus nous traçons notre voie au milieu du désert sur d'interminables portions de route toutes droites.
Nous aboutissons à la frontière avec le Turkménistan. Elle se situe à environ 1km et un très large fleuve nous en sépare : l'Amou Darya. Celui-ci est né dans les montagnes du Tadjikistan, délimite la frontière de ce pays avec l'Afghanistan puis celle de l'Ouzbékistan avec le Turkménistan. Mais, de nos jours, ses 2500km n'atteignent plus son débouché naturel : la mer d'Aral. Un autre fleuve au nord connaît le même sort : le Syr Daria, 3500km qui ne vont plus nulle part. Et c'est justement la culture du coton qui en est en grande partie responsable ! Depuis les années 1960, la mer, autrefois le 4ème plus grand lac au monde, ne cesse de reculer. En 1990, elle s'était déjà réduite de moitié et avait baissé de 16,5m ! Et le phénomène s'est poursuivi depuis 20 ans. Les conséquences pour le pays sont immenses : en reculant, du sel s'est déposé sur le sol le rendant stérile mais il a également été emporté par le vent et contamine des terres plus lointaines.
Pour être plus concret, voici ce qui disparaît en moins de 2500km grâce à la bêtise humaine :
Cette année quelques personnes insensées se sont réjouies car pour la première fois l'Amou Daria réatteint la mer d'Aral. Victoire amère en réalité puisque cette remontée du niveau du fleuve est liée à la fonte des glaciers du Tadjikistan.
Des projets pharaoniques ont également envisagé de pomper l'eau de la mer Caspienne à plusieurs milliers de kilomètres de là. Mais ils se sont révélés impossible à mettre en oeuvre du fait de la différence d'altitude. Le problème est donc loin d'être réglé et même réglable.
Nous pénétrons ensuite dans la région de Khiva : le Khorezm. Nous nous rendons dans un premier temps à la citadelle de Kalajik, une des cinquante que compte approximativement la région. C'était un camp de repos pour les soldats construit au 4ème ou 5ème siècle. Aujourd'hui, des citadins viennent prendre des bains dans le petit lac qui se trouve à ses pieds.
Nous arrivons à Khiva vers 17h30 où une suite luxueuse nous attend. Autant pour moi, attend certains d'entre nous. Désolé pour celle qui a eu le placard à balais. Il ne fallait pas être seule non plus. Tu aurais pu céder aux avances du guide et il t'aurait sûrement donné notre chambre.
Profitant des instants qu'il nous reste avant le coucher du soleil, nous partons à deux sur le chemin de ronde de la vieille ville. Le temps de se rendre compte qu'il ne fait pas le tour de la ville et de rebrousser chemin, nous récupérons JC pour une visite éclair de Khiva au soleil couchant.
Et après le dîner, nous remettons une seconde couche pour aller voir les illuminations by night en faisant bien attention de ne pas tomber dans une des bouches d'égouts ouvertes comme il y en a tant en Asie Centrale ...
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Dimanche 12 septembre 2010 : visite culturelle de Khiva
La journée se décompose en deux temps : visites à la chaîne le matin et temps-libre l'après-midi. Ouais !!! La journée s'annonce longue ...
Khiva est une ville de 40 000 habitants formée d'une vieille ville créée il y a plus de 2500 ans et d'une ville extérieure où logent et travaillent la quasi-totalité des habitants. Notre visite s'est limitée à la forteresse intérieure, Ichan Kala, qui est ceinte d'une muraille de 8m de haut, 6m d'épaisseur et 2km de long. C'est sur son chemin de ronde que nous nous sommes promenés hier soir. Cette partie de la cité était autrefois occupée par les foyers aisés et les serviteurs du khan. Désormais, 1500 familles y vivent soit 4000 personnes.
Nous entrons par la porte ouest, Ota Darvoza (= Porte du Père). C'était la porte du khan. De suite, sur la droite, un escalier monte vers une esplanade sur laquelle se trouve la statue d'Al-Khorezmi, un mathématicien du IXème siècle, auteur du premier traité d'algèbre et inventeur de l'algorithme.
Tous les monuments de la ville datent du XVIIème au XIXème siècles car ils ont été rasés maintes fois notamment par Gengis Khan ou Tamerlan.
Toujours sur la droite, la madrasa Mohammed Amin Khan, hier soir illuminée. Elle fait aujourd'hui office d'hôtel.
La jouxtant, Kalta Minor dit le minaret court ou Tchernobyl pour les intimes tant il ressemble à un réacteur nucléaire. Il fut édifié par le khan de Khiva en 1851-1852 et devait mesurer 70m de haut. Mais la disparition prématurée du khan le ramena à 26m seulement. Le khan de Boukhara ne supportant pas une réalisation aussi haute projeta de faire enlever l'architecte pour lui faire édifier un minaret encore plus élevé. Quant au khan de Khiva, il prévoyait de faire assassiner son architecte une fois les travaux terminés pour que ses compétences ne bénéficient pas à d'autres. Au final, ce fut une "happy end" puisque le khan de Khiva meurt prématurément et que l'architecte a pu s'échapper. Le monument est magnifique car couvert de majoliques bleues et vertes.
Nous tournons à gauche et arrivons à la place principale où se tenait autrefois le marché aux esclaves. Le lieu a également servi aux exécutions publiques : au milieu de la place, un trou en témoigne encore et permettait d'évacuer le sang. 3000 Russes furent exécutés ici en 1717.
A l'ouest se trouve l'Ark, la citadelle. Dans la première cour, un puits de 8m permettait de faire les ablutions. L'Ark comprend également une mosquée, une chancellerie, la salle du trône, la monnaie et le harem.
- La salle du Trône a été construite au XVIIIème siècle. Pour y accéder, on pénètre dans une cour intérieure au centre de laquelle se trouvait une yourte pour attendre l'audience royale ou pour rencontrer le khan en personne selon la saison. Cette cour est entourée de bâtiments avec balcon depuis lesquels la garde surveillait et protégeait le khan. Au nord de cette cour, un iwan (auvent) donne sur la salle du Trône. 3 portes permettent d'y accéder : une pour le roi, une pour les personnes éminentes et une pour le reste des visiteurs. En face du trône se trouvait le Coran.
- Non loin de là, se trouve la mosquée d'été constituée également d'un iwan mais celui-là à 6 colonnes.
Dans sa cour se trouvent un petit musée d'histoire et en face, un local où était frappée la monnaie du Royaume et imprimés les billets sur du papier de soie. Ce travail était à la charge des prisonniers.
Devant la citadelle, à ses pieds pour être précis, le zindan où étaient enchaînés et suppliciés des prisonniers. Au programme : enterrés vivants, jetés du minaret (le classique ...), enfermés dans un sac avec des serpents et d'autres bêbêtes sympatoches, fouettés ... Qui dit mieux ?
Au nord, différents modèles de fours à pains et une habitation privée dotée d'un petit minaret de 9m de haut : Tura Murad Tura.
A l'est, la madrasa Ferouz (pseudonyme d'un roi poète). Elle abrite un petit musée de la vie locale. Autrefois, les imams y étaient formés en 4 ans et ils pouvaient sortir du bâtiment deux fois par semaine.
Nous poursuivons avec la mosquée du Vendredi ou Juma Masjid. De l'extérieur, elle ne paie pas de mine. Par contre, en franchissant son seuil, on entre dans une "forêt" constituée de 213 colonnes soutenant le plafond. Chacune d'elles est différente des autres mais toutes reposent sur des socles en marbre pour les isoler de l'humidité du sol. Les quelques colonnes les plus anciennes, comme la mosquée, datent du Xème siècle, les autres des 16ème, 17ème et 19ème siècles. Leur hauteur est également différente et parfois l'arbre dont elles sont tirées (orme, abricotier, mûrier ...). Deux verrières arborées et un puits occupent le centre de la vaste salle de prière.
Après la prière, certains fidèles utilisent un zik : un chapelet de 99 boules. Les 33 premières servent à louer Allah, les 33 suivantes le Prophète et les 33 dernières pour des demandes plus personnelles. Couplé à cette mosquée, un minaret de 33m s'élance vers les cieux.
Nous traversons un cimetière à l'ordre anarchique pour atteindre le complexe Islam Khodja. Il se compose d'une madrasa et d'un minaret. La madrasa accueillait autrefois les hommes pauvres et comprend 42 cellules. Aujourd'hui, c'est le musée des arts appliqués où l'on peut voir des boiseries, tentures, objets servant aux caravanes ...
Le minaret est le plus haut (et le plus beau à mes yeux) de Khiva avec 44 mètres en tout dont 7m de fondations. Il a plusieurs vocations : appel à la prière, tour de guet et phare. Pour revenir sur cette dernière, voici quelques chiffres intéressants sur la partie ouzbèke de la Route de la Soie pour mieux mesurer l'importance de la haute taille des minarets :
- Khiva - Boukhara : 470km, 12 minarets pour guider les caravanes et 12 caravansérails
- Boukhara - Samarkand : 280km, 6 minarets et autant de caravansérails
- Samarkand - Tachkent : 300km, 7 édifices de chaque type.
Le mausolée Pakhlavan Makhmoud succède au complexe précédent. Cet homme est le saint patron de la ville et a vécu au XIIIème siècle. Dans le bâtiment principal du mausolée, les croyants se rendent d'abord dans une petite salle à gauche pour rendre hommage au défunt. Puis ils ressortent et écoutent la prière de l'imam dans la salle principale. Après cela, ils mangent un petit gâteau et quittent le bâtiment à reculons non sans avoir laissé un billet à l'imam. D'autres tombeaux dont ceux de la mère et du fils d'un khan occupent d'autres édifices dans la cour intérieure.
Nous prenons sur la droite au bout de la rue pour revenir dans la rue principale partant de la porte ouest. Non loin de là, nous arrivons juste à temps devant le mausolée Saïd Alla Uddin pour voir passer deux cortèges de mariés. Alla Uddin serait le fondateur d'une confrérie soufique, une branche de l'islam plutôt ascétique. Un des principes de cet homme était "manger peu, parler peu, se reposer peu". Manger peu c'est-à-dire seulement les restes du dieu, parler peu pour écouter les enseignements et se reposer peu pour travailler davantage. La dernière partie a été légèrement reprise par un petit président de la France.
Les mariés entrent dans le mausolée pour recevoir une bénédiction de l'imam puis poursuivent leur chemin. Apparemment, il y a une sorte de "wedding tour" dans Khiva. C'est beau la standardisation ! Et ne vous en faites pas, il paraît que c'est normal que les mariées fassent la tête : elles n'ont pas le droit de sourire. En même temps en auraient-elles envie vu qu'on leur impose un mari ?
A deux pas de là, une femme est en train de cuire le pain. Elle commence par jeter un peu d'eau sur la paroi du four, y colle sa pâte et récupère le pain au bout de 2 minutes. Le résultat est excellent : sur les bords, la partie renflée a le goût de brioche !
Un peu plus à l'est, nous découvrons Tash Khauli, le palais de pierre. Il s'agit d'un autre palais royal qui se substitua progressivement à celui de l'Ark. Au début, il s'agissait par contre simplement du palais d'hiver.
La structure est semblable : salle de justice où le Grand Vizir décidait des châtiments, la salle du Trône avec son emplacement pour la yourte et un iwan, un harem où étaient enfermées 47 maîtresses d'un côté et les femmes officielles de l'autre. Nouveau record !!! Des eunuques y assuraient le service. Un carrosse offert par la Russie est également exposé dans un bâtiment.
Nous terminons la visite guidée avec Polvon Darvoza (= les Portes Géantes), la porte de l'est, la mosquée Blanche et les Kosh Madrasa locales surélevées par rapport à la chaussée.
Nous profitons de l'après-midi libre pour voir deux sites que nous n'avons pas encore fréquentés :
- la porte sud ou Porte de Pierre (Tosh Darvoza), la dernière qui manquait à notre tableau de chasse puisque la porte nord (Kosh Darvoza = Portes Doubles) est à proximité de l'hôtel.
- l'observatoire de la porte ouest. Une fois n'est pas coutume, le guide nous a prévenu (car il préfère se reposer), que la gardienne a tendance à gonfler les prix pour arrondir ses fins de mois. Effectivement, ça n'a pas raté. Nous lui faisons donc savoir que nous connaissons le subterfuge. Mais comme elle s'avère un peu têtue, nous rebroussons chemin en informant toutes les personnes que l'on croise. La gardienne finit ainsi par céder à condition qu'on la paye au noir. Du sommet, la vue est extrêmement dégagée sur tous les alentours :
La journée est finie à 17h30, le temps de prendre un léger dîner et d'aller à l'aéroport pour retourner vers la capitale. Nous décollons à 20h30. Boris nous conduit une dernière fois vers Urgentch à 30km de là. Tout du long, une ligne de trolleybus nous accompagne et nous ne sortons jamais des zones urbaines.
Nous laissons Boris sur place car il récupère un autre groupe demain. Da svidania ! Espérons que tu ne prendras pas une prune le premier jour ...
Pour nous, les formalités sont rapidement expédiées. Notre guide est d'abord excité comme une puce, comme s'il allait prendre l'avion pour la première fois. Sur le tarmac et dans les couloirs, les passagers jouent des coudes pour être les premiers à monter à bord. Nous laissons un peu passer et amusons les hôtesses en parodiant une lutte pour rentrer en premier dans l'avion. Le guide devient un peu plus tendu une fois à bord. Pour le taquiner, nous feignons de prier. . Bref on s'amuse comme on peut. Lors du vol le service est parfait.
Nous atterrissons à Tashkent à 21h50 et sortons de l'aéroport à 22h40 car l'arrivée des bagages est plutôt longue. De plus, la plupart des gens ne connaissent pas leurs bagages ce qui est plutôt effrayant.
Nous sommes largués dans un hôtel minable de la même chaîne que celui d'hier. Quel contraste ! En tout cas, le dernier passage d'une femme de ménage doit dater d'avant l'indépendance à en juger de l'état du sol.
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